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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Dans un jardin je suis entré (Nichnasti pa am lagan)
/ 2012
10.07.2013
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SI LOINS, SI PROCHES
"- On est invité chez un arabe et il ne nous offre même pas d’houmous !
- C’est l’Arabe nouveau, l’Arabe révolutionnaire."
Dans un jardin je suis entré s’ouvre sur la poignée de mains, symbolique, entre Avi Mograbi et Ali Al-Azhari. Les deux hommes passent une sorte de contrat moral qui les place sur un pied d’égalité artistique durant l’élaboration du documentaire dont ils acceptent d’être les protagonistes. La démarche, réunir deux amis issus des deux camps ennemis, et les amener à confronter leurs histoires familiales, place le film sous le signe de la complicité, de l’autofiction et de l’utopie politique. On peut le lire à plusieurs niveaux, comme le récit d’une amitié entre deux hommes qui ont surmonté leurs différences, comme le commentaire à deux voix d’une histoire locale complexe, ou comme une confrontation de souvenirs personnels intimement mêlés aux grands événements internationaux.
Bien que la réalité présente ne soit pas évoquée frontalement, et uniquement sur le ton de l’autodérision, elle est malgré tout présente implicitement dans le regard mélancolique que les deux hommes portent sur leur passé. Mais la nostalgie n’est pas de mise, et Avi Mograbi privilégie volontairement l’optimisme et l’humour. Les deux personnages sont comme des collégiens jouant un mauvais tour à leurs parents, facétieux et faussement insouciants.
Pas d’angélisme pourtant dans ce portrait en creux d’une époque (révolue) de coexistence pacifique, qui conduit systématiquement au constat que tout a tragiquement changé. Yasmine, la fille d’Ali Al-Azhari (et de son épouse israélienne), apporte ainsi un contrepoint douloureux et sincère aux rêveries chimériques des deux adultes. Porteuse d’une double culture forcément compliquée à gérer, elle est comme un pont tendu entre les deux communautés. Mais elle est aussi celle qui souffre le plus violemment d’une situation qui est un perpétuel déchirement. Tandis que les deux adultes sont au-delà de toute indignation, elle est à fleur de peau, et offre la séquence la plus forte du film lorsqu’elle explose face à une pancarte, dans la ville natale de son père, qui interdit explicitement un parc d’enfants aux Palestiniens.
Il y a par contre de quoi être dérouté par l’aspect disparate du récit qui foisonne d’informations et de digressions, et mêle les époques et les personnages, les images d’archives et même une histoire complètement indépendante racontée de manière épistolaire par une voix-off féminine. Cette captation sur le vif de souvenirs et d’anecdotes hétéroclites rend l’intérêt inégal d’une séquence à l’autre. On est content d’être entré dans le jardin aux côtés des trois protagonistes du film, mais on regrette un peu que le chemin n’ait pas été plus balisé, et la promenade moins erratique.
MpM
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