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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le Quatuor (A Late Quartet)
USA / 2012
10.07.2013
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FIDELIO
« Il n’y a pas de hiérarchie. On a juste des rôles différents ».
« Chacun dans son genre ! L'art veut que nous ne restions pas à la même place. Vous connaîtrez bientôt un nouveau genre de la conduite des parties. Et quant à l'imagination, Dieu merci ! nous en manquons moins que jamais. » Ainsi Beethoven parlait de son opus 131, chef d’œuvre pour quatuor à cordes, qui dans Le Quatuor sert de fil conducteur musical. Le film, hélas, manque un peu d’imagination… A trop filer la métaphore, à trop appuyer la parabole, il se repose davantage sur son (bon) scénario que sur une mise en scène originale. Yaron Zilberman s’enferme dans son histoire, comme on s’applique à jouer une partition. Il ne laisse jamais ses acteurs composer librement, quitte à ce qu'ils frôlent la fausse note qui donnerait du relief à l’ensemble. L’opus 131 est une fugue qui, de mouvements en mouvements lâche la bride et, sans interruption, s’envole vers la démesure.
Le Quatuor est en revanche très mesuré. Bien écrit, bien pensé, on comprend trop vite que le quatuor musical est l’illustration calquée du quatuor « familial ». Que les 7 mouvements de l’opus sont autant de mouvements de leur vie. L’aspect fusionnel est flagrant, et trop facile à anticiper pour nous épater.
La survie musicale des quatre musiciens est en jeu. Doit-on s’arrêter ou continuer en s’adaptant aux uns et aux autres même si on est désaccordés ? Avec un événement qui met en péril le groupe, personnellement et professionnellement, puis une série d’incidents qui les placera au bord du gouffre, l’histoire, amère, montrera à quel point leur métier dicte leurs passions. Avec quatre personnages soumis à leur art. le film sonne juste, cruellement juste. Le tremblement d’une main d’un violoncelliste va entraîner la mort ou la renaissance du quatuor, complémentaire jusque dans les caractères, mais chaotique par l’exacerbation des égos. Ambitions, aspirations, frustrations… les blessures se ravivent, les irritations deviennent des écorchures, le quatuor se délite : proche de la rupture.
Car c’est peut-être la plus belle idée du film : la fluidité de l’opus 131 contraste avec les cassures de ses interprètes. La cohésion semble aussi impossible que les réconciliations. Les comédiens enrichissent le propos avec leurs propres fêlures. Le temps a passé comme Walken, Keener, et Hoffman assument leur vieillissement. Seul le personnage de Ivanir et celui de Poots semblent éternellement jeunes, quitte à se perdre l’un dans sa rigidité immuable et l’autre dans sa jeunesse fougueuse. Mais comme dans un quatuor, même le second violon a son importance. Ici, tous seconds rôles, ils se valorisent, apportent la couleur et le rythme. La violence psychologique est peut être trop adoucie par une réalisation plus classique que moderne, mais le déchirant final assez sublime (même s’il est musicalement frustrant), ainsi que quelques séquences (entre vaudeville caustique et émotion pure) permettent à ce Quatuor de ne pas être insipide. Le film est même plaisant, « attaca » (sans pause) et optimiste. Il est même humain, ce qui n’était pas gagné avec une histoire où la perfection est l’obsession. C’est sans doute là que Yaron Zilberman aurait du « libérer les chevaux » : en ne cherchant pas à atteindre le sommet et en faisant confiance à son histoire et ses acteurs.
vincy
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