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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Juliette
France / 2012
17.07.2013
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L’EFFONDRÉE
"Qu’est-ce qui t’angoisse ? De faire les mauvais choix ? Y’a pas de mauvais choix."
Choisir, c’est renoncer. Cette citation attribuée à André Gide éclaire le portrait sensible et saisissant de Juliette, jeune femme pas encore tout à fait sortie de l’adolescence, qui avance dans la vie comme sur une piste de danse, tantôt assurée, tantôt hésitante, et pas toujours en rythme.
Du rythme, toutefois, le premier film de Pierre Godeau (fils du producteur et réalisateur Philippe Godeau), n’en manque pas. Au départ, les séquences se fondent les unes dans les autres dans un très joli travail de montage. Les scènes sont courtes, presque dans l’urgence. Le son de l’une commence sur les images de la précédente, comme pour ne pas perdre de temps. Les choix musicaux (tous évidents, mais qui finissent par se neutraliser) et le recours presque systématique à l’ellipse renforcent le récit qui semble d’un seul souffle.
Pour autant, le jeune cinéaste ne se laisse pas enfermer dans un quelconque procédé. Lorsque cela sert son histoire (notamment quand Juliette rejoint son père à l’hôpital au début du film), il allonge la scène et prend le temps de l’installer dans la durée. Comme une parenthèse paisible dans une vie qui va à 100 à l’heure.
Les séquences oniriques, sur la plage, en forme d’hommage au cinéma muet burlesque, apportent une autre forme de rupture, à la fois temporelle et narrative. Car il ne faudrait pas croire que la vie de Juliette est linéaire, concentrée sur un but précis. Elle avance, certes, mais repart aussi en arrière, se fige, s’enraye, s’affole.
Rares sont les cinéaste capables de capter cette sensation-là, d’une vie perçue dans sa cadence, son écoulement, sa durée. De sentir que les silences sont aussi importants que la mélodie. Que les emballements sont subjectifs. Cette sensation d’un temps qui ne coulerait pas toujours de la même manière, et que chacun expérimente au quotidien.
C’est probablement cette utilisation du temps et de la durée qui distingue ce premier long métrage ténu de tous les autres portraits du même type. En effet, dans Juliette, le réalisateur ne capte pas tant le personnage lui-même que ses fulgurances. Il ne l’explique pas, ne la décortique pas, ne la justifie pas, et de fait la garde comme un joyau brut. Il n’y a donc rien à comprendre, rien à déduire. Juste un souffle à saisir : celui de l’entièreté de la jeunesse.
Bien sûr, cela en fait un film fragile, qui ne cherche pas à séduire avec un récit spectaculaire, ou à faire pleurer dans les chaumières. Ce n’est pas non plus un guide de vie, qui livrerait des réponses toutes faites à des questions universelles. Sans se prendre au sérieux, mais sans cynisme feint, Juliette lorgne tantôt du côté d’un cinéma à la limite du maniérisme, tantôt de celui de Gondry, avec des décors en carton-pâte, un grain de folie et des passages bricolos. Un portrait générationnel et intime, entre naïveté et arrogance fougueuse, qui est tout illuminé par la présence d’Astrid Berges-Frisbey et de ses grands yeux un peu étonnés. A l’image du personnage, le film refuse de s’excuser pour ce qu’il est. Et malgré quelques maladresses, on ne peut que lui donner raison.
MpM
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