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LES CLEFS DE LA RÉUSSITE
« Alors si tu dois tomber, autant le faire en beauté.»
On connaissait les bidonvilles de Mumbay par Danny Boyle, ceux de Rio dans La cité de Dieu, et tant d’autres … Ici, comme son titre l’indique, Sean Ellis explore la dure réalité de Manille dans Metro Manila, loin du contexte exotique du récent Jason Bourne (avec poursuite en motos, etc…).
Le film est de prime abord déroutant. Il amorce son récit avec une vision presque sociologique de la vie rurale aux Philippines : pauvreté extrême, isolement du monde moderne… L’exode vers la métropole s’impose comme une fatalité qui rappelle celle des européens au XIXe et XXe siècle, ou plus proche, des Chinois, Indiens, Vietnamiens et autres Indonésiens. C’est à partir de ce contexte socio-économique que le réalisateur britannique tisse son histoire. Progressivement, de la misère dans les rizières à la survie en milieu urbain pas tempéré, le récit va s’enrichir d’histoires diverses – incluant un aparté aussi délirant que réel avec un braquage dans un avion – et muer vers un thriller où les « twists » se multiplient dans le dernier quart d’heure.
Grâce à ces multiples couches narratives, Sean Ellis réalise un véritable film de genre (le casse) avec une dimension sociale et psychologique : une tragédie moderne, avec ses choix cornéliens et une morale digne d’un grand film noir. Metro Manila utilise tous les codes – corruption, arnaque, trahison, sacrifice, tentations, espoir d’une vie meilleure, protection de la famille, amitié biaisée… - de manière si fluide et si habile qu’on ne sait jamais si le film est un portrait fascinant des exclus du progrès ou un polar froid et violent.
Désoeuvrés et chaleureux, les personnages sont attachants (portés un par un casting parfait), malgré les péripéties qui les mettront en péril et choix sordides qu’ils doivent faire. Dans ce Far West moderne, l’enfer est le quotidien : sexe, alcool, meurtres, … Même les plus honnêtes ne peuvent que se débaucher et se confronter aux crimes et aux ripoux. Quand le rythme s’accélère, la tension s’intensifie. A la moitié du film, le réalisateur est parvenu avec brio à nous emmener dans son aventure : on n’oublie pas la noirceur de l’atmosphère, la précarité ambiante, mais elle passe au second plan. Il faut désormais une issue à cette impasse matérielle, sortir de ce calvaire. La spirale infernale doit cesser. Piégé, le héros n’a pas beaucoup d’alternative. Noble de cœur, intègre d’esprit, il va réussir à jouer le maître des illusions, tant pour sa hiérarchie que pour les spectateurs. La manipulation est totale, maligne. Et renforce le final d’un film où rien ne se passe comme prévu, ni même comme le spectateur l’anticipe. Le suspens atteint son apogée cinq minutes avant la fin grâce à un montage proche du génie, où plusieurs histoires, plusieurs temporalités se croisent, sans qu’on ne soit jamais perdu. La caméra cadre efficacement, sans trop d’effets, juste ce qu’il faut pour révéler les éléments nécessaires à la compréhension et augmenter, ainsi, notre intérêt. Le désespoir de ces Misérables se métamorphosera, avec une jolie sensibilité, en un espoir teinté d’amertume et de mélancolie.
Tout ça en un moins de deux heures, sans renier son cinéma : Sean Ellis est définitivement très inspiré quand il s’agit de dépeindre la schizophrénie des êtres, entre fantasme et réalité. La couleur de l’argent, chez lui, a toujours un prix, très élevé. Pour un ticket de cinéma, en revanche, vous pouvez voir un excellent et singulier film de braquage, loin des productions habituelles dans le genre.
vincy
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