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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Insaisissables (Now You See Me)
USA / 2013
31.07.2013
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LA GRANDE DÉSILLUSION
« Plus vous penserez voir clair plus ce sera facile de vous duper.»
Les 4 cavaliers non pas de l’apocalypse mais de la magie éclipsent n’importe quel autre magicien : le spectacle de ces 4 illusionnistes se termine par un hold-up extraordinaire pour les yeux du public, et la police est sur les dents… Incroyable mais vrai ? En magie il y a toujours un truc, qui sera pris la main dans le sac ?
Insaisissables appartient à un genre de film que les américains savent très bien produire, à l’inverse des français. Il s’agit d’un film typique d’arnaque où tel est pris qui croyait prendre et où le plus malin qui tire les ficelles se découvre à la fin. Si l’histoire est à priori celle de policiers qui cherchent à empêcher 4 magiciens (insaisissables) de faire un hold-up sans vraiment comprendre comment ils opèrent, le spectateur sait lui que l’histoire est tout autre. Les dix premières minutes du film avant même le générique de début présentent ces 4 illusionnistes recrutés par un mystérieux commanditaire qui veut leur imposer son plan minutieux. Commanditaire qui tire les ficelles et qui se joue des autres comme des marionnettes : on l’a à peine aperçu de dos, et tout le jeu du film est justement de trouver son identité à la fin (d’où le titre original Now you see me).
Pour ce qui de la magie on est très loin du tour avec un lapin à faire disparaître (une scène révèle d’ailleurs ce vieux truc), il s’agit de gigantesques shows technologiques à l’américaine en son et lumière avec écrans de retransmission vidéo. Les 4 magiciens sur scène détournent plusieurs millions de dollars pendant que en coulisse une autre personne poursuit un autre but…
Ces 4 magiciens apparaissent d’ailleurs très vite interchangeables puisque ils n’ont aucun talent particulier, sauf celui qui se présente comme mentaliste capable d’hypnotiser des gens. Le scénario fait illusion et, entre deux numéros spectaculaires, l’explication de l’intrigue est donnée petit bout par petit bout comme des cailloux à suivre avant la révélation finale. Les différents évènements se suivent sans même distiller de fausse piste, sauf une scène d’action plutôt malvenue qui justement détourne l’attention. Abracadabra avant un twist abracadabrantesque, Insaisissables est un jeu de piste pas du tout crédible mais tout de même assez ludique.
« Est-ce que vous verrez plusieurs numéros différents ou n’est ce qu’une seule grande illusion ? »
Louis Leterrier qui s’était plutôt brillamment illustré avec Le transporteur et Danny the dog est maintenant revenu de son rêve d’exploits héroïques (L'Incroyable Hulk, Le choc des Titans, que du lourd!). Il est bien parti pour rester aux Etats-Unis comme un habile réalisateur sur qui on peut compter pour mettre en image n’importe quel film. D'entrée de jeu, le réalisateur se veut être le nouvel Nolan. Cependant, pour ce qui est de l’art de la magie on est très loin du flamboyant The Prestige que Leterrier copie allègrement ; et pour ce qui est de l’art de l’arnaque on est tout aussi loin du récent Trance de Danny Boyle qui lui a justement réussi le mélange braquage et hypnose.
C’est un peu l’impression que laisse Insaisissables : il lui manque une touche de brio pour être vraiment plus mémorable que n’importe quel autre film. Ce qui est difficile à saisir pour une production de cette envergure c’est que toute la dynamique spectaculaire et palpitante est concentrée dans la première demi-heure, sans climax plus extraordinaire pour le bouquet final. Le scénario se veut novateur et intéressant. Il part d'une bonne idée mais s'essouffle au fur et à mesure que les minutes défilent lentement pour finalement atteindre à sa chute... trop prévisible. Le spectateur comprend qui est le fameux Oeil. Cette révélation, trop grotesque, nous fait espérer un twist imprévu...
Le réalisateur ne va pas oser faire cette fin, se dit-on ! Hélas, si…
On aurait du s’en douter dès la première scène du film. Certes, cela laissait présager un très bon divertissement avec effets de style, la rotation de caméra. Mais l’abus de mouvements nuit à la santé oculaire. Incapable de filmer ce casting autrement qu'en travelling circulaire et en contre-plongée, le cinéaste finit par épuiser le spectateur. Vouloir filmer cet ensemble comme un show magique ne suffit pas, surtout quand s’y mêle une bande son beaucoup trop présente qui font suinter de douleurs nos oreilles (tendance assez lourde des blockbusters du moment : les ORL vont se régaler).
N’est pas Nolan qui veut
Insaisissables n’a pas d’autre prétention : il s’agit juste d’un divertissement ou plutôt d’une illusion de divertissement, avec son casting « all-famous » : Jesse Eisenberg, Woody Harrelson, Isla Fisher, Mark Ruffalo, Morgan Freeman, Michael Caine, Dave Franco, et notre Mélanie Laurent pour un peu d’exotisme frenchy (mais dans un rôle plutôt ingrat). Eisenberg campe le personnage principal (cheveux lissés et non plus frisés, ça change tout), Harrelson, exemplaire quand il exaspère, les rescapés de Dark Knight Caine et Freeman, toujours sublimes, Ruffalo et Laurent, assez caricaturaux en agents d’Interpol, le frère de James Franco parfait playboy… C’est surtout Isla Fisher, loin de ses rôles névrotiques, qui fait finalement la différence.
Supplice visuel et sonore, ce jeu vieux comme le monde du chat et de la souris, fait regretter les Ocean’s 11 et autres Inception. Ou même Un hold-up esxtraordinaire pour remonter dans le temps. L’illusion et l’escroquerie méritaient un peu mieux que ce tour de passe-passe qui s’essouffle vite. La magie aurait du être soulignée, accompagnée : elle est massacrée par le montage « à la mode » où l’espace et le mouvement ne sont que des faire-valoir à un rythme pour joueurs épileptiques ayant peur de s’ennuyer au bout de cinq secondes de plan fixe. Tout est superficiel et ludique.
Jamais Leterrier ne veut mettre en scène cette invraisemblable histoire, jamais il ne sollicite l’intelligence du spectateur. Il impose sans subtilité et même avec négligence un tour de magie qui se perd dans ses artifices. Le film se résume alors en un slogan, clamé par Jesse Eisenberg dans le film : «Approchez, plus vous croirez en voir, plus vous vous ferez avoir».
Kristofy, Christophe, EN
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