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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les Flingueuses (The Heat)
USA / 2013
21.08.2013
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DRÔLES DE DAMES
«- Je suis albinos, donc je suis méchant ?
- Non, pas du tout.
- Oui, absolument. »
Rien à voir avec un Thelma et Louise, Les Flingueuses n’est jamais rien d’autre qu’une Arme fatale au féminin. Une de ces comédies policières bien foutues, mélangeant les saillies drôles et une enquête convenue. Le suspens n’est pas l’enjeu dramatique du genre. Il s’agit avant tout de concilier deux personnalités qui s’opposent.
On prend donc une actrice oscarisée, ultra-populaire depuis 20 ans, une star de la comédie, du drame, à l’aise avec les flingues. Sandra Bullock. Elle retrouve là un personnage assez conventionnel pour elle : une femme psychorigide, sûre d’elle, ambitieuse, raisonnée, qui va, de gueule de bois en bavures, se métamorphoser en pétroleuse féministe et déjantée.
Pour le contraste, on ose la comique du moment, Melissa McCarthy, bankable dans l’Amérique profonde, physiquement idoine pour être autoritaire, vulgaire, cogneuse, grossière, intuitive, bref singulière, mix de « camionneuse » et de « black mama ».
Deux femmes aussi isolées dans leur camp (la hiérarchie masculine) que solitaires dans leur vie (ce qui entraîne forcément une empathie). Deux flics plus compétentes que les mâles qu’elles humilient chacune à leur façon : ironie proche du cynisme ou langage outrancier. On pourrait presque croire que le duo Bullock/McCarthy incarne le premier couple lesbien de la police américaine au cinéma.
Mad Women
Mais ne choquons pas : il n’y a pas un gramme de sexe (même si on en parle beaucoup), et l’hétérosexualité est plus que vantée, façon castratrice ou frigide. Car Les Flingueuses vise juste quand il s’agit de balancer des répliques dignes des sitcoms pour le câble (les blagues de vagins remplaçant celles de bites). Le réalisateur du déjà bien barré Mes Meilleures amies, Paul Feig, a de l’expérience dans le domaine ("The Office" et "Nurse Jackie" sont parmi les séries TV les plus caustiques de ces dernières années). Quelques gags (comme l’attaque à la pastèque) en rajoute dans le burlesque, avec le principe du « toujours plus » cher à Blake Edwards : la surenchère mène au délire.
En prenant comme postulat l’impossible collaboration FBI/Police locale, la scénariste n’a fait qu’utiliser le talon d’Achille d’une Amérique sur-sécurisée pour en faire une usine à gags. Les deux dominatrices, tendance tarées, sont alors de vraies gamines qu’on plonge dans un contexte criminel, machiste et sanglant. Mais, la femme est l’égale de l’homme (après tout elles naissent aussi avec du poil sur les jambes) et les deux complices se comportent comme Gibson/Glover : complémentaires et solidaires. Au passage, le politiquement correct en prend un coup avec le Show de McCarthy, compensé par la politesse coincée de Bullock. Mais attention, la star de la comédie romantique ne s’en laisse pas conter et sait très bien se remettre dans la lumière dans les scènes cruciales. Le vernis craque de partout. Et le dissolvant va être costaud.
Leur parité dans le scénario, presque symétrique, n’empêche pas de donner plus de place à la flic de base. Le QI et la diplomatie ne font pas tout. Cette critique masquée des élites, enfouie sous le premier degré anti-burnes, pourrait être dérangeante. D’autant plus que le film transforme Bullock en guerrière des bas-fonds un peu trop vite, comme si le montage avait coupé quelques scènes au nom du rythme (certes soutenu). Si la fin ne redorait pas le blason de la super agent du FBI, le film aurait certainement été moins sympathique pour ne pas dire un peu populiste.
Mais grâce à un joli twist final, l’élite et le peuple finissent (presque) main dans la main. Une suite n’est pas seulement possible, elle s’esquisse sous nous yeux. Pourquoi pas, après tout ? Les Flingueuses est l’un des rares bons divertissements réjouissants qu’Hollywood nous a offert ses derniers mois. Et prouve, par la même occasion, que les femmes en ont, avec une touche de charme et d’autodérision en bonus. Rien que pour ça, on en redemande.
vincy
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