Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Mon âme par toi guérie


France / 2013

25.09.2013
 



C’EST TOI LA VIE





« P’têtre qu’on a des choses à se dire ».

Avec une économie de moyens, François Dupeyron réalise une nouvelle fois une œuvre singulière loin du classicisme sublime et crépusculaire de La Chambre des officiers ou de l’académisme presque littéraire de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Il retrouve plutôt l’envie de filmer des êtres qui se croisent dans un lieu à l’écart, comme Depardieu et Deneuve sur le parking de l’autoroute de Drôle d’endroit pour une rencontre.

Cette recherche d’une certaine spontanéité, cet amour des faiblesses humaines, ce désir de sauver les êtres en perdition font corps (et le cœur) de Mon âme par toi guérie. Comme dans tous ses films, Dupeyron dépeint un homme invisible, discret, foncièrement bon, rongé par quelques démons intérieurs, solitaire aussi. Frédi (formidable Grégory Gadebois) est du même bois. A partir d’un accident aussi brusque que traumatisant, son destin va être chamboulé. Il va devoir revoir sa place dans le monde. Son passé le rattrape et son avenir devient incertain.

Le film n’est ni une chronique mélodramatique ni un simple portrait psychologique. Il oscille entre un poème mélancolique et une tranche de vie contemplative. Cela le rend inégal, mais l’ensemble de l’œuvre, pour peu qu’on se laisse happer par cette version d’Orphée où l’on ne sait pas qui va sauver l’autre des enfers, charme indéniablement. Pour se laisser séduire, il faut être patient. Peut-être un peu trop tant certaines séquences s’étirent dans la seconde moitié, tant le naufrage est parfois maladroitement montré. Mais Dupeyron a un talent indéniable dès qu’il s’agit de filmer ce quartier de « mobil homes » où les sédentaires solidaires entre eux animent un quotidien entre marginalité, précarité et humanité. Ce n’est pas tant la faute de Céline Sallette, actrice ô combien tragique avec peu d’effets, qui est en cause quand le film bascule dans son autre histoire. Mais son personnage, peut-être trop stéréotypé, énigmatique trop longtemps, prend trop de place avec des scènes répétitives, dépourvues d’intensité.

Pourtant le matériau, brut, est d’une grande beauté : deux âmes qui sombrent, cherchant à se sauver par un pacte aussi mystérieux qu’invisible, hasardeux qu’évident. Loin de tous carcans sociaux, aspirant à une liberté utopique, cherchant un amour pur, les deux protagonistes sont décalés d’un monde qu’ils refusent d’intégrer : un monde rempli de schémas, de contraintes, d’atrocités et d’injustices. Pour fuir cette douleur, la douceur des mains peut suffire. La foi est une force. Cependant, le rythme, on peut le regretter, s’enlise davantage dans la suavité que l’intensité, dans cette chaleur tiède que dans la fébrilité charnelle. Il se désagrège comme le personnage de Nina, qui s’autodétruit lentement. Le manque d’entrain sur la fin et la tristesse qui englobe tout le film gâchent un peu la subtilité et la précision qui étoffent chacun des portraits. Tout se dilue et distend, malgré quelques fulgurances inspirées.

En résumé, la descente aux enfers est parfaitement réussie, mais sa remontée est laborieuse. Trop d’histoires parasitent l’ensemble, le réalisateur voulant sans doute n’oublier personne sur le bord de la route. Toute la beauté de son cinéma réside dans ce qu’il n’explique pas, or il en vient à vouloir expliquer l’irrationnel…Parfaite illustration de cette faille scénaristique : les hallucinations en noir et blanc étranges et peu adroites.

Reste une série de « gueules » aussi attachantes que névrosées, des histoires parallèles offrant le tableau d’une France moins déprimée que d’habitude. Si l’on reste incrédule sur la guérison, on peut au moins être soulagé de voir qu’un cinéaste/écrivain aussi talentueux puisse encore faire un cinéma naturaliste teinté de mysticisme, chercher de nouvelles voies narratives, porté par une troupe de comédiens tous impeccables.
 
vincy

 
 
 
 

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