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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Une chambre en ville
France / 1982
ressortie le 09.10.2013
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DES ANGES À QUAI
Echec lors de sa sortie, et du coup méconnu, Une chambre en ville est pourtant l’un des films de Jacques Demy les plus réussis. Face obscure de son jumeau, Les parapluies de Cherbourg, réalisé près de 30 ans auparavant, cette tragédie romantique (et sociale) fait monter crescendo une émotion qui s’achèvera comme Roméo et Juliette après avoir longtemps flirté avec Les Misérables.
Une chambre en ville est un film de fractures et de confrontations. Lutte des classes, fossé entre conservateurs et progressistes, impossibilité d’aimer librement, séparations brutales… les éléments fondateurs de ce drame musical, souvent présents dans l’œuvre de Demy, atteignent ici leur paroxysme. Comme si le cinéaste cherchait à tendre vers une valeur absolue tous ses thèmes. On est loin, ici, de la mélancolie et de la douceur de ses œuvres les plus connues.
Ici, tout se fracasse (les manifestations filmées comme une bataille sur les barricades), tout est violent (le suicide de l’un des protagonistes, gorge tranchée), tout est âpre. Demy ne laisse même plus au spectateur la chance de pouvoir imaginer une fin heureuse (Les demoiselles de Rochefort). Pas plus qu’il n’embellit une sordide réalité par du glamour (Baie des anges). Dans des décors qui font écho à chacun de ses films (de l’appartement presque désuet de Darrieux jusqu’à la galerie commerciale où travaille Piccoli, qui ressemble à celle de Lola), le réalisateur entraîne ses personnages dans un dédale de rues désertes ou en guerre, dont la seule échappatoire est une boutique mortifère ou un appartement endeuillé. On a vu plus joyeux.
Pourtant l’amour, les sentiments, les grandes déclarations, et même la chair sont bien présents. Les années 70 ont libéré le carcan moral et Demy en profite pour donner un angle plus cru à des situations qu’il a déjà filmé autrement. Cette évolution se traduit aussi dans son casting, utilisant les fidèles de ses premiers films (Darrieux, Piccoli, chacun dans un registre plus noir, comme pour signifier que leur époque est révolue) et des jeunes comédiens qui seront bientôt de grandes vedettes (Berry, parfait, et Sanda, évanescente, qui symbolisent l’avenir). Notons qu’à l’origine, Depardieu et Deneuve devaient tenir ces deux rôles.
Mais c’est bien l’effet miroir avec Les parapluies qui fascine le plus, au delà de cette trame romantique classique et poignante. On retrouve ainsi la mère qui désapprouve la fille, la fille passionnément amoureuse du prolétaire, le prolétaire qui voit sa vie transformée par un événement extérieur (les grèves remplacent la guerre), etc. La construction est sensiblement similaire mais Demy opère des variations sur le même thème, qui rime évidemment avec Je t’aime.
Comme désillusionné, désenchanté, désespéré, « Jacquot de Nantes » n’achèvera pas son histoire autrement que dans les ténèbres. L’autorité policière et la morale conformiste de la mère auront raison de tous ceux qui voulaient se battre pour un monde meilleur, pour un amour idéal. Si le film se déroule au milieu des années 50, le regard très politique du réalisateur reflète bien l’époque où il a été film, au début des années 80.
La jeunesse est foudroyée, les beaux visages de Berry et Sanda figés. Comme un service en porcelaine brisé sur le sol. Sans effets grandiloquents, la mise en scène ; parfois radicale, presque théâtrale statufie les vivants, aveugles et incrédules. Le rideau peut tomber sur ce carnage. Jacques Demy a, une fois de plus, éblouit les spectateurs en les emmenant dans une destinée sentimentale sans issue autre qu’un pacte sanglant. Mais quelle histoire d’amour ! Politique et romanesque, Une chambre en ville est finalement un film noir qui glace nos globules. Un opéra intimiste d’une étonnante modernité.
vincy
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