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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Gravity
USA / 2013
23.10.2013
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2013 : L'ODYSSÉE DE L’ESPÈCE
J’espère que vous avez un assureur en béton Houston…
Dans l’espace, personne ne vous entendra crier. Telle était l’accroche trouvée par Ridley Scott en son temps pour faire monter la sauce de son Alien. Alfonso Cuarón moins penché sur le grandiloquent, ne dément pas la baseline mais nous refroidit d’entrée. L’espace c’est vide, pas un bruit, pas d’air, pas de vie, il ne se s’y passe rien. Rien ? Mais que va-t-on donc bien pouvoir y faire durant 90 minutes ? Certes il y a bien quelques scientifiques en apesanteur qui bricolent laborieusement leurs stations de geeks (envoyez le Beau Danube Bleu), mais on reste loin des vaisseaux intersidéraux de Star Wars qui se propulsent dans l’hyper espace pour mieux se désintégrer entre eux. Il suffira pourtant que les russes décident d’entreprendre un peu de ménage expéditif dans leurs installations géostationnaires pour que la quiétude éternelle de la banlieue terrestre vire au thriller physique (mariant le et la physique) haletant.
Pour autant notre cinéaste mexicain n’est pas Michael Bay. Son Gravity sera avant tout plausible, un peu comme l’était déjà son approche rationaliste de son film d’anticipation Children of Men. On n’est pas là pour prendre les spectateurs pour des demeurés, mais il ne s’agit pas non plus de les faire bailler. A ce titre son film est un tour de force technologique renouant avec l’essence du cinéma attraction (on nous emmène dans l’espace comme Louis Lumière vous faisait trembler en son temps avec l’arrivée de la locomotive en gare de la Ciotat) en tirant parti de tout ce que permettent les moyens spéciaux actuels, 3D inclue (même James Cameron a senti le besoin de se pencher sur le projet, autant dire que c’est du sérieux). Et c’est une réussite dans la mesure où Gravity est une expérience marquante pour nos sens blasés.
Plus subtil, Cuarón joue avec les codes du cinéma hollywoodien qui lui permet aujourd’hui de s’exprimer. La conquête spatiale est bien évidemment le domaine idéal pour exalter héroïsme et patriotisme. Le personnage du pilote Kowalski (judicieusement incarné par le subversif Clooney) représente l’archétype du personnage charismatique, déconneur (what else ?) et courageux en toutes circonstances. Et pourtant le film se centrera sur le personnage féminin de la scientifique Ryan Stone interprétée par une Sandra Bullock impeccable qui ne ménage pas ses efforts. Ceci au risque de nous perturber profondément dans nos repères en provoquant probablement une des plus mémorables frustrations de cinéphile de l’histoire du septième art au cours d’une séquence qui aurait pourtant pu être une formidable pub pour la vodka.
Mais le réalisateur place l’humain au dessus de tout, surtout des stéréotypes artificiels qui nous conditionnent. Sa débauche d’artifices techniques sera au service d’une fable qui rejoint nos préoccupations primordiales : la survie, la renaissance. Rapidement cette planète terre majestueuse, qui semble observer les événements passivement, simple figurante adaptant juste ses apparats en fonction de la tournure des événements, comme si elle partageait le sort et les préoccupations des protagonistes, retrouve au final son rôle de mère protectrice et féconde. Rôle qu’on tend bien évidemment trop souvent à oublier quand on a les deux pieds figés dans la glaise et donc une perspective limitée de notre environnement. La symbolique de cette gestation est appuyée (plan splendide de Ryan se repliant en position fœtale dans sa capsule salvatrice) mais imprégnée d’une poésie indéniable.
Car Cuarón au bout du compte à su associer à une ambition démesurée une accessibilité qui ouvre son œuvre au grand public avec une générosité évidente et surtout sincère. Les salles sont pleines, Gravity vire au phénomène de société à raison, notre monde finalement tourne encore à peu près normalement…
petsss
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