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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Thor, le monde des ténèbres (Thor: The Dark World)
USA / 2012
30.10.2013
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FOUDRE DE GUERRE
"- Tout va bien ! On est américaines !
- C’est censé nous rendre sympathiques ?"
Est-ce bien sérieux ? Une once de mythologie, pas mal d’action et trois tonnes d’humour composent les ingrédients principaux de ce deuxième volet de Thor qui ne s’embarrasse ni de vraisemblance, ni de subtilités. Une fois posés les jalons de l’intrigue (un super méchant qui, cette fois-ci, a comme surprenant dessein de faire s’abattre l’obscurité sur l’univers, même si sa motivation reste assez obscure elle-aussi), le scénario se concentre sur les relations entre les personnages, et notamment sur les rapports entre Thor, son père et son frère, encombrante famille qui est toujours là pour lui mettre des bâtons dans les roues, sur le plan politique comme sentimental. Qui a dit que la vie de déité était simple ?
D’autant que notre malheureux héros doit aussi faire face au courroux de sa bien-aimée (Natalie Portman, toujours aussi décalée en chercheuse obsédée par la science), pas franchement ravie qu’il soit passé par la terre sans venir lui rendre une petite visite lors de sa participation à l’aventure Avengers. Le film distille d’ailleurs plusieurs clins d’œil à cette autre franchise Marvel championne du box-office, qui réunissait en 2012 Thor, Captain America, Hulk, Iron Man, la veuve noire et Œil de Faucon face au facétieux Loki (et qui sera de retour en 2015, cela a son importance). Au-delà de l’effet comique que cela crée (irrésistible caméo de Chris Evans en Captain America décérébré), cette manière d’inscrire le film dans une continuité narrative apporte une vraie consistance au scénario qui s’approche de la structure propre aux séries, dans lesquelles les personnages et leurs interactions comptent plus que les intrigues-prétexte.
Ainsi, derrière le déluge d’effets spéciaux (monstre de pierre, elfes noirs, décors majestueux…), les incursions sur la corde sensible et une esthétique du monumental qui en met plein les yeux, tout se joue finalement entre deux frères chamailleurs, en perpétuelle compétition, unis malgré eux dans un rapport de défiance et d’amour ambigu. Kenneth Branagh a beau avoir abandonné les rênes de la franchise, il y a toujours quelque chose de Shakespearien chez Thor. D’autant qu’il s’opère dans ce deuxième volet un rééquilibrage notable entre Thor et Loki. Tandis que le premier s’assagit et perd un peu en arrogance et en aura rebelle, le second s’impose clairement comme le personnage le plus intéressant du film, qu’il booste grâce à son humour, son ambiguïté jouissive et ses facultés d’auto-dérision. Plus trouble et plus manipulateur, Loki apparaît paradoxalement plus humain que son frère un peu trop parfait, aux faux airs de boy scout.
Autre atout de la franchise, jouer la carte du féminisme en imaginant des héroïnes qui portent la culotte. Pour une fois, une femme a le droit d’être guerrière (Sif) ou scientifique de haut niveau (Jane), et même de tenir tête froidement à un monstre flippant (Trigga). Bien sûr, quand il s’agit de femmes au fort caractère, le stéréotype n’est jamais loin non plus, et Natalie Portmann semble ainsi prendre un malin plaisir à distribuer des gifles à tours de bras, ou à surjouer les astrophysiciennes absorbées par ses recherches. Qu’importe, cela change des personnages féminins qui restent à la maison pour préparer le repas (Oblivion), qui s’occupent des enfants pendant que leur mari sauve le monde (World war Z) ou qui en sont encore à régler leur problème d’Œdipe en plein chaos apocalyptique (Pacific Rim).
Surtout que, dans Thor, le monde des ténèbres, le second degré semble globalement le fil conducteur. Rien ne semble en effet être pris au sérieux par les scénaristes, qui envisagent chaque situation sur un plan burlesque ou décalé. C’est d’autant plus flagrant dans la dernière partie du récit, où la perméabilité des univers rend toutes les facéties possibles. Les personnages sont ballottés aléatoirement d’un univers à un autre, où ils font toutes sortes de rencontres impromptues, le tout en continuant de se battre, ce qui apporte une dose d’humour salutaire au fameux face-à-face final qui, en général, est plutôt grandiloquent. Sans renouveler le genre, ou se démarquer violemment de ses concurrents, le film parvient ainsi au moins à échapper à ce qui a caractérisé les blockbusters de l’été : un ennui profond devant des scènes de combats et de destructions qui n’en finissent plus. Coup de tonnerre dans le petit milieu de l’industrie cinématographique hollywoodienne : rien ne vaut un peu de légèreté dans un monde de brutes en collants et justaucorps.
MpM
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