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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Avant l'hiver
France / 2013
27.11.2013
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UN SONGE EN HIVER
"Je me suis trompé de vie"
Avant l’hiver pourrait être l’histoire fracassante d’une rencontre qui bouscule tout. Il pourrait aussi être un thriller anxiogène qui laisse le spectateur au bord de l’asphyxie. Mais Philippe Claudel ne cherche visiblement à faire ni dans le spectaculaire, ni dans le flamboyant. Sa mise en scène assume un classicisme discret et son intrigue reste en permanence sur le fil, à la fois ténue et d’une profonde simplicité. Ce ne sont pas les relents de mystère ou de paranoïa qui intéressent le réalisateur, mais au contraire la quasi banalité de son intrigue : le parcours d’un individu dont la vie prend soudain l’eau.
Ce profil bas adopté par le cinéaste peut rebuter : son cinéma, lent et intériorisé, exige du spectateur un certain abandon, voire une bonne dose de patience. Les scènes courtes et quotidiennes alternent avec de brefs éclats qui semblent ne jamais vraiment faire avancer le récit. La tension est intermittente, et donne l’impression d’un film en dents de scie qui peine à trouver son rythme et sa tonalité.
Peu à peu, pourtant, les masques tombent, et l’on devine derrière l’écran de fumée du film à suspense le véritable sujet d’Avant l’hiver : le temps qui passe (les personnages sont à l’orée de l’hiver de leur vie) et une existence faite d’apparences qui se fissurent de touts côtés. Soudain, tout ce que les personnages pensaient savoir les uns des autres est remis en question. Le personnage principal, incarné par Daniel Auteuil, perd le contrôle à la fois de sa vie professionnelle (on l’oblige à prendre des congés) mais aussi familiale (il se dispute avec son fils, s’éloigne de sa femme) et sociale (son meilleur ami lui apparaît soudain comme un étranger, voire comme un rival). Il part alors à la dérive, mais une dérive intime et psychologique qui ne fait que brouiller un peu plus les cartes.
Philippe Claudel joue du trouble et de l’ambiguïté entre ses personnages pour rendre crédible cette fuite en avant désespérée. On sent dans les scènes récurrentes (dîners familiaux, parties de tennis) qu’un dérèglement insidieux est à l’œuvre. Mais c’est avec son épilogue à contre-pieds que le réalisateur assène véritablement le coup de grâce. Il y a en effet dans ces dernières séquences un manque cruel d’espoir face à l’impossibilité de sortir du chemin tout tracé où le hasard nous a posé. La résignation collective ainsi que la perpétuation du mensonge donnent l’impression que cette fois, l’hiver est bien là.
MpM
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