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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Hunger games : l'embrasement
USA / 2013
27.11.2013
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FEU DE PAILLE
"Les jeux n’ont aucun sens"
On avait quitté Katniss, l’héroïne de blockbuster la plus complexe de ces dernières années, en plein triomphe post "Hunger games", ces jeux organisés chaque année dans le but de faire expier au peuple sa rébellion passée. La jeune fille avait non seulement réussi à gagner la terrible épreuve, mais elle avait également été assez rusée pour obtenir le salut de son compagnon Peeta. On retrouve les deux jeunes gens le jour de leur départ pour la tournée des Vainqueurs qui les amène de district en district. L’humeur, elle, n’est plus vraiment à la fête. Katniss doit désormais payer sa bravade, sous peine de voir le pouvoir central s’en prendre à ceux qu’elle aime.
Ces quelques scènes d’exposition tentent de réitérer l’exploit du premier volet de la saga qui démarrait comme un conte glaçant et saisissant mettant brillamment en scène un totalitarisme hypermédiatique et barbare. L’impression est malheureusement loin d’être aussi forte, peut-être parce que l’effet de surprise n’est plus au rendez-vous. Cette première partie peine ainsi à décoller, malgré la multiplication des niveaux de lecture (la révolution et la répression, le tiraillement de Katniss entre sa sympathie pour les rebelles et la nécessité de protéger sa famille, les relations ambiguës entre Katniss, Peeta et Gale...) et des intrigues parallèles.
Et lorsque le film semble enfin commencer, c’est pour resservir globalement les mêmes ingrédients que dans le volet précédent, avec peut-être juste une dose supplémentaire d’injustice et de violence frontale. Ce qui aurait pu être différent (les enjeux ont considérablement changé par rapport aux jeux précédents, ce qui implique une stratégie radicalement distincte de la part des "tributs") est au final à peine survolé (notamment les questions d’alliances ou les relations entre les participants). Comme si chaque séquence ne faisait que courir après la suivante sans prendre le temps d’installer le récit dans la durée. A ce rythme-là (plus de deux heures pour ne pas vraiment apporter d’éléments nouveaux), même la simili révélation finale ne crée pas réellement de surprise. Pire, lorsqu’elle arrive, on pense que le film démarre enfin… alors qu’en réalité il s’achève.
L’autre grand défaut de cette suite sans génie vient sans doute de la mise en scène de Francis Lawrence, bien plus lisse et moins inventive que celle de Gary Ross. Ce dernier devait relever le défi de la violence et du voyeurisme, or ce défi est presque complètement évacué du nouveau récit qui se concentre plus sur l’évolution intérieure des personnages. Tout cela renforce l’impression d’un simple épisode de transition dénué d’enjeux particuliers. Même Katniss semble moins intéressante que dans le précédent volet où elle faisait preuve d’une force de caractère assez impressionnante. Elle est cette fois presque timorée, écrasée par le poids des responsabilités qui lui incombent, et sans la profonde humanité qui la caractérisait. Sa dureté à l’égard des autres comme d’elle-même est presque trop prononcée, de même que la manière qu’elle a de protéger par tous les moyens son faux fiancé Peeta a quelque chose d’ostensiblement sacrificiel.
Bien sûr, on se réjouit toujours de voir une héroïne aussi atypique (dans le cinéma grand public américain) que Katniss : forte, indépendante et volontaire (même si on finit par avoir l’impression qu’elle est exactement calquée sur l’archétype des héros masculins traditionnels, ce qui ne manque pas de laisser perplexe sur la finesse psychologique et l’imagination des scénaristes). Pourtant, quelque chose chiffonne dans la manière dont la jeune femme apparaît cette fois, soumise à la volonté des uns et des autres, et finalement privée d’une grande partie de son libre arbitre (il lui est refusé de choisir son amoureux, puis ses alliés, puis l’issue de son périple). On sent vaguement poindre l’idée qu’il est autorisé d’aller contre la volonté d’une jeune femme et d’œuvrer derrière son dos à partir du moment où c’est "pour son bien". Cette tutelle ambiguë (car bienveillante) exercée sur elle par des personnages exclusivement masculins qui se disent ses amis fleure bon un certain paternalisme à l’ancienne. La jeune femme semble alors renvoyée à la figure de l’éternelle mineure qu’il faut guider dans l’ombre vers son destin.
Mais on chipote, d’autant qu’au fond, tout cela n’est qu’un détail, tant le film donne surtout l’impression de meubler en attendant le suivant et la fameuse révolte qui devrait cette fois être au cœur de l’intrigue (c’est en tout cas le titre des deux volets qui constituent le dénouement de la saga et qui sortiront respectivement en 2014 et 2015). C’est seulement à ce moment-là qu’on pourra juger de la direction générale prise par la franchise. A l’issue du deuxième volet, à défaut de s’embraser pour ses qualités artistiques ou récréatives, on se consume donc lentement en attendant le grand incendie final.
MpM
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