Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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El Limpiador


Pérou / 2012

18.12.2013
 



LE PROPRE DE L'HOMME





"Tu ne peux pas passer ta vie à te cacher. Il y aura toujours quelque chose pour te blesser."

Ce premier film péruvien frappe par son sens de l’épure et son économie de moyens, de gestes et de paroles. La situation de départ (une épidémie mortelle et mystérieuse qui frappe la capitale Lima) pourrait emmener le film n’importe où : complot politique, thriller anxiogène, et même film d’horreur. Mais Adrian Saba prend le parfait contre-pied en racontant une histoire au contraire extrêmement intime et dépouillée, celle d’une rencontre entre deux êtres solitaires.

La mise en scène du film qui privilégie les scènes courtes et les plans larges crée une distance nette entre les personnages et le spectateur. Cela confère à l’ambiance une étrangeté renforcée par le contexte particulier de l’épidémie : les lieux publics sont déserts, le personnage principal n’entretient quasiment aucun rapport avec ses semblables, tout est étonnamment calme et silencieux…

Le personnage du "nettoyeur" ajoute lui-aussi à cette impression inquiétante d’une situation suspendue, hors du temps. Totalement impassible, il reste mystérieux aux yeux du spectateur qui ne saura presque rien de lui. Seules sont visibles son extrême solitude (dont on ne sait pas si elle est due à l’épidémie, ou au contraire habituelle) et son absence apparente d’émotions.

Dans la routine tranquille du personnage, il fallait un élément perturbateur qui vienne bousculer jusqu’à ses certitudes les plus ancrées. Ce sera Joaquin, un petit garçon effrayé dont la mère vient de mourir, et dont il ne sait bien sûr pas quoi faire. La relation qui se noue entre eux fait retomber le film dans un schéma un peu plus classique, mais en gardant son étrangeté originelle. Les rapports entre le taciturne Eusebio et le mutique Joaquin restent extrêmement ténus et passent par une communication peu verbale. Ils vont ensemble au cimetière et à l’Eglise, à la piscine et même à la mer. Aucune effusion, mais une bienveillance et une complicité qui passent par de jolies idées de scénario et quelques péripéties infimes. Ainsi l’idée de fabriquer un masque en carton à Joaquin pour le protéger du monde extérieur, qui provoque quelques plans assez cocasses.

L’humour est en effet bien présent en filigrane du récit, qu’il passe par la composition décalée de certains plans (notamment lorsque Eusebio nettoie le sang des victimes) ou par l’absurde de plusieurs situations (les différentes conversations d’Eusebio avec son collègue médecin). La mélancolie des personnages semble alors d’une poésie délicate et douce amère, en rupture avec le tragique absolu de la réalité. Adrian Saba observe l’être humain confronté à sa propre fin et capable malgré tout de continuer à sourire, par amour pour un autre être humain. Il pulvérise dans le même temps l’idée reçue qu’en cas de crise, l’homme devient un loup pour l’homme.
 
MpM

 
 
 
 

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