Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Aime et fais ce que tu veux (W imie... - In the Name of)


Pologne / 2013

01.01.2014
 



THE LAST TEMPTATION OF THE PRIEST





« Quand il court dans la forêt, il baise probablement les cerfs.»

Tout commence avec ce prêtre qui fait son jogging dans une forêt brumeuse, comme pour échapper à son sacerdoce, pour évacuer ses pulsions tentatrices, pour méditer loin du fracas des dogmes (« Courir c’est aussi une prière »). Ce n’est pas le premier prêtre homosexuel de l’histoire du cinéma, mais c’est sans aucun doute l’un des plus sexys, avec son allure d’aventurier et son regard azur. Malgorzata Szumowska ose le filmer se masturbant dans son bain. Un prêtre, un sexe. La foi, ma foi, n’a plus grand chose à faire là. Et c’est tout le sujet de Aime et fais ce que tu veux (traduction du plus ambivalent In the name of).

Le film est construit crescendo. Le défoulement physique est la première soupape avant l’explosion. La tension, bien amenée, qui nous fait pressentir le drame. Il n’est pas prêtre, il est aussi assistant social, coach de foot, organisateur d’une colonie de sales gamins, médecin de secours. Il est le pilier d’une communauté. Ils ont tous besoin d’un père, qu’il s’appelle Dieu, qu’il soit un prêtre, peu importe.

Cette jeunesse, cruelle, les insultes à la bouche, le corps qui retient les coups, ce corps qui est mû par le désir, cette jeunesse a besoin du combat des hommes : ceux qui freinent leurs tentations, ceux qui affirment leur pouvoir. C’est la virilité, ou l’image de celle-ci, qui les guide. Sportifs, ados, joueurs : l’animalité masculine est à son paroxysme et la cinéaste l’ « homoérotise » à l’extrême. Corps dénudés, jeux de mains, … Les enfants du désordre, ça aboie, ça fume des pétards, … Tout le monde s’ennuie, il faut bien s’occuper. On balance sur les pédés, sur les Juifs dans cette Pologne ultra-catholique. C’est une vie rurale dure et enracinée dans ses préjugés, ses traditions.

Et Malgorzata Szumowska ne laisse rien passer, pointant leur bêtise, soulignant les contradictions d’une religion qui dicte nos opinions. Son film est un hymne à l’amour, donc à la tolérance. Amen aux paires. Très cinétique avec ses ruptures, le film trouve son rythme et sa tonalité avec un aspect tantôt réaliste, tantôt onirique, des scènes frontalement dures et d’autres ouvertement sensorielles, et même sensuelles. Les plus belles scènes sont souvent accompagnées de musique (magnifique partition). Le quotidien est pathétique, sordide, dénué de bonheur. Il faut bien le chercher quelque part puisqu’il s’est enfuit. Certains dans l’alcool, d’autres dans le cul. Au nom du Christ et hop ! un shot de vodka.

Le récit est fluide, intense, hypnotisant, simple, jamais didactique, souvent poétique. Parfois cocasse. La tolérance commence avec des petits compromis (on ferme les yeux sur une fellation homosexuelle entre ados) mais défie les Lois quand il s’agit d’un amour absolu. Car tout va dérailler quand le prêtre doit nettoyer les plaies d’un jeune homme, sosie bandant d’un Jésus ressuscité. Et quand ce Christ innocent, mais bien conscient de son amour pour l’homme d’église, offre son cul sublime à la vue du prêtre (prénommé Adam), Dieu, capricieux, joue les cupidons. Le chemin de croix revisité. Le calvaire va commencer. D’autant qu’il y a un Judas, un des bad boys, jaloux, possessif, homo mais honteux (une bouche c’est quand même mieux qu’une main). La rivalité entre l’ange et le démon va entraîner une série de drames, ces petites tragédies qui bousculent les trajectoires de chacun. Et il y a beau avoir une Ewa dans l’histoire, femme fatale, bitch amorale prête à s’envoyer au ciel avec le prêtre (en même temps c’est le seul mec baisable parmi ces ploucs), la pomme sera croquée par un homme.

Car la réalisatrice ne lésine pas sur l’imagerie saisissante christique et (homo)érotique, en dosant avec finesse la symbolique. Le blasphème n’est jamais loin comme cette séquence de pure vérité où l’on oublie Dieu, où l’homme a pris sa revanche, noyé dans l’alcool. En lui faisant ôter sa soutane (keep calm, il est en boxer), et en le faisant danser avec Benoît XVI (en peinture), elle humanise un peu plus son prêtre, déséquilibré entre son corps et son esprit. Certes, Satan l’habite. Mais la séquence est aussi belle que transgressive, simple qu’audacieuse. Forcément, le comédien - Andrzej Chyra - nous séduit encore plus, s’abandonnant complètement à son personnage et nous donnant envie de le défroquer. Mais avant tout la cinéaste évite tous les écueils qu’on pouvait craindre avec un tel sujet.
 
vincy

 
 
 
 

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