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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Du sang et des larmes (Lone Survivor)
USA / 2013
01.01.2014
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BROTHERS IN ARMS
« - Ça sent l’opération maudite.
- Il n’y a pas d’opération maudite. C’est l’Afghanistan ! »
Epopée réelle, fait divers militaire cruel, Du sang et des larmes est une sorte de Délivrance où l’Amérique surpuissante va perdre pieds et voir 19 de ses meilleurs soldats mourir dans les montagnes d’Afghanistan. Une mission commando complexe, à risques, qui tourne mal. Rien de bien neuf : la bravoure des Navy Seals et leurs conversations de gonzesses ont été filmées de nombreuses fois.
Après un long prologue, très banal, qui précède cette mission, Peter Berg se concentre sur ses quatre soldats, en planque. Sa caméra est en plan rapproché. Il préfère miser sur la psychologie du groupe, et des individus. On s’attendait à un film de guerre, on assiste à un drame psychologique, où des soldats ont des dilemmes, des problèmes de conscience. Que faire avec des prisonniers, imprévus? Les tuer ? Ne pas les tuer ? Le choix a de multiples conséquences sur la mission, les médias, leur existence. Mais toujours pas de sang ni aucune larmes.
Comme dans La chute du faucon noir, le piège va vite se refermer sur les protagonistes. Scindé en deux, le film va basculer au bout d’une heure dans un carnage, avec le bruit et la fureur des armes. La tension est maximale. Tir aux pigeons. La survie est l’enjeu mais loin d’être un jeu. Le combat redouble d’intensité dans ce piège à cons. Le film devient prenant. Pas de héros, pas de cavalerie pour sauver les braves. Ici les corps heurtent avec fracas les rochers. Les invincibles défient les lois de la souffrance. Ils sont mis à rude épreuve. Il ne faut jamais arrêter. Pendant une demi heure, les balles fusent, le sang gicle, les défenseurs de l’Oncle Sam tombent comme des mouches. Bugs, impréparation, les causes sont multiples sur l’échec de cette mission. Il n’en restera qu’un au final. Berg a alors mis tout son savoir faire pour nous captiver et nous entraîner dans cette descente aux enfers. Là encore, il est au plus près du soldat, à hauteur d’homme : jamais plus loin que son horizon, ne nous plaçant pas dans une vaste zone de guerre, mais là où la guerre est vécue, dans un périmètre finalement très restreint, étouffant.
Mais, il est loin le temps où Hollywood jugeait qu’un bon afghan était un afghan mort. Et le cinéaste revient à une réalisation plus banale, un récit plus « sentimental » avec des Afghans qui résistent aux talibans. Le temps n’est plus « réel », il abuse des ellipses. L’espace s’élargit, comme la menace. Tout le film redevient très classique, cavalerie qui arrive à temps comprise. Avec ce final hollywoodien (même s’il est avéré historiquement), où l’Américain peut pactiser avec les autochtones, on revient à un style de cinéma américain convenu, comme ce que l’on pouvait reprocher au prologue.
Du sang et des larmes semble finalement déséquilibré, entre ses quatre chapitres : un prologue et un épilogue assez fades, quand les deux demi-heures dans les montagnes afghanes captivent. Mais le film est loin d’être inintéressant et montre une fois de plus que l’arrogance et l’ingérence américaine ne font pas bon ménage. Pourtant Peter Berg se refuse à une critique, même subversive, trop occupé à glorifier son survivant héroïque. Parce qu’il ne raconte que la version des faits de ce soldat chanceux, il s’empêche de livrer une vision plus émancipée et clinique des événements. Partisan, partial même, Du sang et des larmes oublie de trouver les vrais responsables de ce désastre, préférant un décryptage visuel d’une mission mal préparée. C’est à cause de cela que deux des quatre parties du film sont brillantes, et les deux autres décevantes.
vincy
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