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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les Sorcières de Zugarramurdi (Las Brujas de Zugarramurdi)
Espagne / 2013
08.01.2014
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C'EST PAS SORCIER
"On va pas commencer à faire nos machos, si ?"
On a beau être désormais familiarisé avec l’inventivité du cinéma espagnol en général, et avec celle d’Alex de la Iglesia en particulier, Les sorcières de Zugarramurdi crée une fois encore l’effet de surprise avec un scénario délirant, des personnages improbables et une mise en scène extravagante. Dès la première séquence, on retrouve toute l’imagerie traditionnelle liée à la sorcellerie, glauque et poisseuse. Puis une moto fait irruption dans le cadre, chevauchée par une très sexy jeune femme, et avec elle, la modernité s’immisce dans l’action.
On est prévenu, ici, pas de grimoires poussiéreux ou de sortilèges rebattus. Le réalisateur revisite le film de sorcières avec la même gourmandise irrévérencieuse qui guide ses pas depuis ses premiers films, variations toutes personnelles sur la dystopie (Action mutante), le retour de l’Antéchrist (Le jour de la bête) ou encore le film historique sur fond de guerre civile (Balada triste).
C’est donc avec le même état d’esprit que l’on se laisse glisser dans ce film régressif et joyeux où rien ne doit jamais sembler trop sérieux. Ca tombe bien, car les simili "héros" sont des bras cassés que le spectateur identifie d’abord comme des sosies de Jésus et du Soldat vert, lancés dans une fuite en avant apparemment sans espoir. Mais bien que la situation semble désespérée, ces deux mâles espagnols typiques embrayent presque immédiatement sur leurs (nombreux) desiderata envers les femmes, responsables (à les entendre) de tous leurs maux. Dans un second temps, les même deux hommes se lanceront dans une compétition amoureuse à la limite du ridicule dès qu’ils croiseront le chemin d’une jolie fille. Tous les hommes, d’ailleurs, semblent avoir des problèmes avec les femmes, en témoigne le pauvre chauffeur de taxi contraint malgré lui de transporter les braqueurs.
Caricatura ? Oui, mais qu’on ne s’inquiète pas : les femmes sont tout aussi excessives dans leur vision primaire des hommes et dans leurs comportements très sexués. Alex de la iglesia renvoie en effet dos à dos les clichés sur les hommes et sur les femmes, jouant avec un humour corrosif sur les stéréotypes habituels. Peut-être l’intelligence est-elle plus présente chez les personnages féminins, mais comme la méchanceté aussi, on peut supposer que cela s’équilibre. Finalement, et comme souvent dans le cinéma du réalisateur, les personnages (hommes comme femmes) ne valent guère mieux les uns que les autres, et semblent surtout des reflets déformés des défauts propres à l’être humain en général.
Toutefois, l’éternelle opposition/fascination entre les sexes n’est pas le seul sujet dont se moque Alex de la Iglesia. Jouant avec les codes du film d’épouvante, il en livre une satire savoureuse et grinçante qui fait bien plus rire que frémir. Ainsi, toujours potache, le réalisateur remplace tortures et bûchers par divers traitements répugnants (et pas forcément du meilleur goût) auxquels il soumet assez sadiquement ses personnages. De même, il filme les scènes de genre comme celles d’un cartoon survitaminé où les sorcières, bondissantes et vives, ne font qu’une bouchée (métaphorique) des malheureux (et empotés) bandits du dimanche.
Fidèle à sa réputation de metteur en scène virtuose, Alex de la Iglesia s’amuse à mettre au service de cette parodie de série B des moyens techniques et artistiques spectaculaires, qui lui permettent une ampleur impressionnante, notamment dans les séquences de foule et de sabbat. Extrêmement mobile, sa caméra semble ainsi voler dans les airs et renforcer l’extravagance visuelle de l’ensemble. Comme si le réalisateur ne s’était fixé qu’une seule règle : choisir l’outrance et la démesure, mais toujours avec classe. Il n'existe aucune raison objective de ne pas le suivre dans ce nouveau (très maîtrisé) délire.
MpM
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