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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Yves Saint Laurent
France / 2014
08.01.2014
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L’ÉTOILE DE BERGÉ
«- Méfiez-vous des timides. Ce sont eux qui mènent le monde.»
Ne pas se méprendre. Yves Saint Laurent n’est pas un film sur le génial créateur. A peine voit-on comment l’inspiration lui vient, comment il travaille ses modèles. Le biopic est désormais un genre qui préfère scruter la personnalité, souvent trouble, d’icônes, comme pour humaniser des « divinités » contemporaines. Ce film ne fait pas exception. On survole son art. On ne nous l’explique jamais. Nous ne saurons rien du désir à dessiner, hormis une pulsion presque animale. Nous ne découvrirons pas plus l’impact sur la mode et sur la représentation de la femme au fil des décennies. Le film s’égare même chronologiquement, mélangeant les défilés sur la fin, pour n’en composer plus qu’un, comme un hymne tragique (la Callas en fond sonore)… Comme si l’ellipse suffisait.
Jalil Lespert a préféré conter la vie d’YSL à travers le regard de Pierre Bergé. 3 ans après le magnifique documentaire L’amour fou, le milliardaire médiatique autorise cette fiction intime sur son défunt grand amour. Le récit est forcément subjectif, et même biaisé. Il valorise fortement la personnalité de Bergé, même s’il glorifie également le talent de Saint-Laurent.
L’image est chic, le film élégant. L’histoire suffisamment dramatique pour nous intéresser à ce mélo homo où le coup de foudre amoureux fait place à une complicité presque platonique, avant de virer à un rapport sado-masochiste protecteur/enfant terrible. Car YSL est un être timide, angoissé, paniqué par la réalité, affectif, fragile, pas forcément gentil, et même cruel (« Je l’aime mais c’est toi l’homme de ma vie »). Dépendant de ses démons : l’alcool, la drogue, les aventures d’un soir et même les plans culs désincarnés. Cette face cachée du styliste constitue le fil conducteur du film, qui procède par étapes vers une descente aux enfers, dont la seule barrière de protection est son Bergé - formidable tyran, parfois manipulateur, mais lui-même soumis à la force de son Amour. Le film distille ainsi une sorte de malaise à voir cet Amour pervertit par la vie. Amour avec une majuscule. Où l’élan charnel et l’ivresse du succès se muent en compassion et en gestion.
Saint Laurent refusait de vieillir. En quête d’une jeunesse qu’il n’avait jamais vraiment vécue, il cherchait à s’amuser. Impertinent, joueur, coquin, dragueur, baiseur. Et même rock n’roll. Et plus il atteint cette légèreté, plus Bergé, mauvais coucheur, s’assombrit. YSL lui échappe. Il va jusqu’à l’emprisonner pour son bien. C’est sans aucun doute l’aspect le plus fascinant de cette œuvre, même si elle est maladroitement exploitée.
Car tout est ying et yang, lumière et obscurité. Il y a l’homme qui bâtit l’Empire et celui qui était sous l’Emprise de son talent. Les deux sont liés. L’un ne va pas sans l’autre. Le couple ne peut être dissocié. Ce duo fusionnel, infidèle, résiste à toutes les colères, fâcheries, humeurs. Drame de la vie conjugale. Hélas, comme pour tout biopic, il faut passer par des figures imposées : les ovations, la fabrication de la « pop star », les explications en voix off (celle de Bergé, comme pour mieux appuyer le point de vue choisi), la déchéance, … Mais aucune sacralisation. Les adieux de Saint Laurent ne seront pas la conclusion d’un film, qui, étrangement, s ‘arrête brutalement au milieu du gué, de manière assez énigmatique. La beauté est bien présente, mais le sens ?
On en retient que YSL n’était vraiment heureux que deux fois par an, lors des défilés. Que cette alliance de l’homme d’argent et de celui aux doigts d’or provoquait une alchimie parfaite pour les affaires et malheureuse pour les amours. Mais quoi d’autres ? Hormis l’immense tristesse qui transperce du regard de Bergé ? Jaspert semble avoir créé un mausolée à leur amour. Avec deux apôtres : Pierre Niney, impeccable (surtout dans la partie consacrée à sa jeunesse, où il est plus « présent »), et Guillaume Gallienne, irréprochable (et bien plus convaincant que dans Les garçons et Guillaume, à table !). Les deux incarnent parfaitement ces deux figures modernes d’une France qui pouvait faire la fête et des affaires. Car bien plus que le portrait d’un homme, le réalisateur a réussi un très beau portrait d’époque, sur une France qui, non exempte de problèmes, croyait encore en elle, quitte à aller chercher l’argent en Amérique et se ressourcer au Maroc.
vincy
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