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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Dallas Buyers Club
USA / 2013
29.01.2014
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LA MORT AUX TROUSSES
"Je dois porter plainte contre l’hôpital pour être soigné ?"
A travers l’histoire vraie de Ron Woodroof, le réalisateur Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y., Café de flore) ne raconte pas seulement l’évolution spectaculaire d’un homme (électricien macho et homophobe, il devint incollable sur le virus du SIDA et les effets des traitements disponibles, et fut amené à intégrer la communauté homosexuelle de la ville), mais relate également les années sombres de la maladie, une époque où les préjugés, la désinformation et l’absence de traitements efficaces allaient de paire avec une mort imminente et certaine.
Plus que le biopic lui-même, c’est cette facette du film qui fascine. On y découvre la genèse des traitements contre le SIDA et surtout le scandale autour de la FDA (agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) qui avait intérêt à promouvoir l’AZT au détriment d’autres types de traitements alternatifs. Le combat à l’originel personnel de Woodroof passe alors de simple réflexe de survie à un bras de fer symbolique et déterminé entre les malades du SIDA et une administration toute puissante. La création du "club privé" où sont distribués les médicaments non autorisés par la FDA, représentatif de nombreuses initiatives qui virent le jour dans tout le pays à la même période, est ainsi le pilier du film, auquel il donne son titre.
La grande force de Jean-Marc Vallée est de respecter l’ambiguïté de son personnage qui, tout au long du film, oscille entre profiteur cynique et égoïste et salaud franchement antipathique. Pas facile de laisser un tel personnage porter tout un film sur ses épaules, mais le réalisateur dispose de deux atouts de choix. D’abord, l’acteur Matthew Mc Conaughey qui livre une interprétation remarquable, à la fois dans son apparence de malade atteint du SIDA (il a perdu plus de 20 kilos pour le rôle) et dans la manière dont il s’approprie les défauts de son personnage. Comme un taureau lancé à toute allure contre tous ceux qui lui font obstacle, avec une seule obsession : survivre.
Deuxième atout, le "complice" de Ron, Rayon, un toxicomane transgenre magistralement interprété par un Jared Leto absolument méconnaissable, et qui apporte beaucoup d’humour et d’humanité au film. La relation entre les deux hommes s’avère à la fois savoureuse (le sourire dépité de Ron traîné dans un club gay où les clients lui font de l’œil) et primordiale pour accompagner l’intrigue, mais aussi assez stéréotypée dans le rapport de force qu’elle induit entre les deux. Au mieux, on se dit que Ron traite Rayon de la même manière que ses conquêtes féminines : en bon vieux macho. Au pire, on remarque que les personnages homosexuels sont globalement peu à leur avantage dans le film. Peut-être les scénaristes se sont-ils tant inspirés des témoignages du véritable Ron Woodroof qu’ils ont finit par en adopter machinalement le point de vue manichéen ?
Quoi qu’il en soit, Dallas Buyers Club est une fresque assez saisissante, qui a le mérite de mettre en lumière un aspect de la lutte contre le SIDA souvent méconnu du grand public. Construit comme un décompte géant (les 30 premiers jours après l’annonce de la maladie, puis les jours, semaines et mois de sursis qui se succèdent), le film dégage un sentiment d’urgence qui rythme habilement le récit. Cela empêche parfois d’être dans le vécu des personnages (les sauts dans le temps limitent l’émotion et les épanchements) mais il s’en dégage ainsi une sincérité supplémentaire, paradoxalement plus bouleversante que les rebondissements convenus du récit.
MpM
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