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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Goltzius et la Compagnie du Pélican (Goltzius and the Pelican Company)
Royaume Uni / 2012
05.02.2014
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LA CHUTE DANS LE TEMPS
«- En passant au nouveau testament, j’avais faussé la donne ».
Un OVNI. Peter Greenaway en est devenu coutumier. Sa dernière œuvre est un cocktail étrange, baroque même, de théâtre, vidéo expérimentale, traité théologique, et de pur cinéma. En revisitant mythes et péchés originels, l’érudit cinéaste déroutera et déconcertera les curieux. Pourtant, son film mérite qu’on s’y attarde un peu.
A partir de trois angles de vue – un fil conducteur (la production d’une création artistique), la transposition des mythes par le spectacle et la réaction des spectateurs – Peter Greenaway s’interroge sur l’avenir du cinéma (avec une esthétique proche du jeu vidéo tout autant que de l’art pictural et une mise en scène théâtrale), la liberté de création (forcément compromise par le droit de regard de ceux qui la finance) et la liberté individuelle (utopie mise à mal par les dogmes idéologiques).
Explorant ainsi tous les tabous de notre société - voyeurisme, inceste, sodomie, adultère et autres prohibitions sexuelles – le cinéaste créé une dialectique avec les censeurs. Greenaway les nargue, car ils existent toujours, avec un formalisme sans pudeur : la nudité n’est pas cachée, les sexes mâles sont en érection. Avec cette chair ostentatoire et cette provocation intellectuelle, le cinéaste pointe l’obscurantisme, l’hypocrisie et la décadence des puissants. La pomme si pure croquée par Eve devient pourrie au Royaume des nantis.
La tentation de la luxure, de la possession l’emporte sur tout humanisme, tout respect des droits de l’homme. L’œuvre n’est pas seulement païenne, puisqu’elle nous emmène dans un univers mêlant antiquité, moyen-âge et science-fiction. Une sorte de parabole où les civilisations mélangées nous renvoient à notre époque, assumant davantage la mutilation ou la torture physique au nom d’un pouvoir sans contraintes que la sexualité, la liberté de penser, l’athéisme.
Greenaway affirme qu’il faut déranger et faire réfléchir, bousculer et contredire plutôt que de se soumettre et se laisser dicter son mode de vie.
Avec sa mise en scène aussi intrigante que naturiste, le cinéaste anglais réussit à appliquer un formalisme qui illustre parfaitement son propos. Il se singularise aussi. Cette radicalité échappera à beaucoup. Pourtant, ni prétentieuse, ni exagérément distante, le film vulgarise simplement les dangers qui menacent nos vies, à commencer par le pouvoir politique de la religion. Il ose une œuvre blasphématoire, qui, même si l’on est choqué ou en désaccord, est salutaire. « Il ne peut y avoir de discussion sans contradiction » conférait Cioran (dont de nombreux titres d’ouvrages pouvaient donner le nom de ce film). Greenaway en apporte une démonstration éclatante.
vincy
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