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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'expérience Blocher
/ 2013
19.02.2014
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DARK SHADOWS
"Raconter votre histoire, c’est raconter notre histoire. C’est explorer notre ombre."
Jean-Stéphane Bron (Cleveland contre Wall street) revient avec un documentaire introspectif captivant où, tout en racontant le parcours du populiste Christoph Blocher, il interroge son propre regard sur cet homme dont il ne partage ni les idées politiques, ni les convictions. Le film est ainsi construit comme un dialogue silencieux entre l’observateur discret qui livre en voix-off ses pensées et l’observé qui dévoile, face caméra, ses satisfactions et ses méthodes.
Une grande partie du film se déroule dans la voiture qui conduit Christoph Blocher de meetings en sessions du parlement, d’interviews en réunions. Aux côtés de son épouse (qui illustre parfaitement le rôle traditionnel de la femme effacée et quasi mutique), on le voit s’échauffer au téléphone, définir le cadre dans lequel devra rester le film, ou même partir dans un gigantesque fou rire. En parallèle, des images d’archives retracent l’irrésistible ascension de ce leader populiste qui s’est réjoui, il y a dix jours, de l’issue positive d’un référendum exigeant la limitation de "l'immigration de masse".
La construction de ce face à face entre un cinéaste qui se sent "embedded" et un vieux renard de la communication politique s’avère ainsi le vrai sujet du documentaire, qui en devient comme une manière de questionner les limites du genre. On comprend assez vite qu’aucun secret ne sera révélé, qu’aucune révélation ne livrera la vérité ultime sur Blocher. Au contraire, on est comme dans une enquête qui n’aboutirait jamais. Le suspense est là, créé par la mise en scène et la musique, mais aucune résolution n’est offerte, si ce n’est des plans sur le visage pensif de l’homme politique, l’inquiétude palpable de son épouse, des fauteuils vides. Autant d’éléments factuels qui brossent, en creux, le portrait du personnage principal, mais au même titre qu’une improbable soirée dans son château privé, où il se met à pousser la chansonnette avec des chanteurs lyriques, ou lorsque qu’il désigne un banc de pierre dans le jardin de son enfance comme unique lieu où, à l’époque, il se sentait "consolé".
Voilà ce qui restera de L’expérience Blocher : des morceaux de puzzle, et une réflexion fascinante sur l’exercice impossible que représente le documentaire objectif. Comme l’annonce le titre, il s’agit plus d’une expérience cinématographique et humaine que d’une étude de caractère. Le passage où l’un de collègues de Blocher fait, avant l’heure, son oraison funèbre, sonne ainsi avec une ironie formidable. Car Jean-Stéphane Bron ne fait pas le portrait d’un homme ou d’une époque, mais se contente de tendre un miroir à un pays qui n'aime guère se regarder droit dans les yeux.
MpM
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