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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La Femme du ferrailleur (An Episode in the Life of an Iron Picker - Epizoda u zivotu beraca zeljeza)
/ 2013
26.02.2014
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VOYAGE EN ABSURDIE
La femme du ferrailleur a quelque chose d'un film expérimental risqué : Danis Tanovic (No Man's Land), armé d'un Canon 5D Mark II, a filmé, en seulement neuf jours, l'histoire vraie d'une famille bosniaque confrontée aux persécutions du milieu médical, interprétée à l'écran par ceux-là même qui l'ont vécue.
Nazif est ferrailleur. Il passe ses journées à découper des voitures et à récupérer du fer pour gagner sa croûte. Autant vous dire qu'il n'a pas la paie d'un footballeur. Il effectue un travail éprouvant pour quelques Marks (la monnaie du pays). Malgré tout, Nazif ne se plaint pas, sa femme Senada et ses deux filles non plus. Tout sourire et rieuse, la famille semble heureuse dans son modeste foyer. Mais un jour, Senada se plaint de terribles maux de ventre et doit se faire hospitaliser d'urgence. Faute de couverture sociale, le couple doit payer une somme pharaonique, qu'il n'a bien évidemment pas. Le corps hospitalier, littéralement inconscient, refuse de leur venir en aide. C'est à ce moment là que Nazif va tout faire pour sauver sa femme.
Sous son allure de reportage choc pour une chaîne thématique, le film prend aux tripes et tire les larmes, mais sans misérabilisme aucun. Sa radicalité formelle et sa mise en scène naturaliste ont d'ailleurs séduit le jury du Festival de Berlin 2013 qui lui a décerné à la fois le Prix du jury et celui du meilleur acteur pour Nazif Mujic. Si l'émotion est inévitable en voyant le dévouement du mari qui ne se laisse jamais abattre, le film est aussi une incursion sensible et pleine d'humanité dans une petite communauté où la solidarité finit par prédominer.
Danis Tanovic dresse ainsi le portrait en creux d'un pays qui est incapable de venir en aide à ses anciens combattants (Nazif ne touche pas de pension pour sa participation à la guerre), d'un système dépourvu de toute compassion (le corps médical qui refuse de venir en aide à Sénada) mais surtout d'une poignée d'individus prêts à remuer ciel et terre pour faire triompher le bon sens et l'humanité. Le cinéma a cette force de savoir nous toucher à travers l'histoire d'un autre, de refléter nos propres questions sur l'Homme et d'interroger nos capacités à nous dépasser.
D'une certaine manière, le réalisateur s'érige en résistant à la génération Facebook qui tweete sans arrêt chacun de ses petits sauts d'humeurs : l'égo et l'individualiste de chacun sont renvoyés à leur vacuité. Le film fait prendre conscience de valeurs humanistes, et relativise nos petits malheurs. On en sort désarçonné, presque honteux.
Dans la veine d'un cinéma du réel qui confine à la docu-fiction, Danis Tanovic transcende ainsi le réalisme au cinéma pour capter des étincelles de vie (notamment dans les longs passages contemplatifs) qui donnent à percevoir le monde plus qu'à le voir. Le retour sensible et réussi d'un auteur qui a su élever au rang d'art l'observation chirurgicale de ses semblables. cynthia, mpm
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