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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Diplomatie
France / 2014
05.03.2014
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PARIS VA-T-ELLE BRÛLER ?
«- Tout doit disparaître. Pour toujours. »
Toutes les grandes villes européennes ont été détruites (ou massivement bombardées) lors de la seconde guerre mondiale, à commencer par Varsovie, Berlin et même Londres. Toutes ? Non. Paris échappa à son propre anéantissement. Diplomatie raconte la dernière nuit avant l’arrivée des Alliés dans la Capitale. Ce moment crucial où un général nazi doit exécuter un ordre venu d’Hitler : faire exploser les ponts et les monuments de la Ville Lumière. « Paris doit être rasé, surtout l’Opéra ». C’était son monument préféré.
Nous voici ramenés entre le 24 et le 25 août 1944. Un huis-clos, ou presque, face aux jardins des Tuileries. D’une pièce de théâtre historique, Volker Schlöndorff réalise un cas de conscience, aux frontières du bien et du mal. Bien sûr, les Allemands paniquent et fuient. Les Résistants s’infiltrent partout. Les Alliés sont à une portée de canons. Mais les ordres du Führer sont les ordres. « Si Paris tombe, toute la France tombe ». Choix désespéré de celui qui perd. Le plan est machiavélique. Et bien sûr, nous savons qu’il ne sera jamais exécuté.
Mais tout l’enjeu est de savoir comment le Général – Niels Arestrup, encore une fois formidable – va être convaincu par un diplomate suédois - André Dussollier, évidemment impeccable. Ce personnage de l’ombre est un Jimmy Cricket qui prend plaisir à remuer toutes les hypothèses et user de sa rhétorique pour torturer le futur perdant qui se croit encore puissant. Comment l’Allemagne a plié dans un bureau, en une nuit? Comment Paris a brisé ses chaînes grâce à un homme piégé dans un dilemme atroce?
Bel exercice de dialectique mis en scène sans épate mais avec justesse. C’est un match, rythmé. Pas besoin d’effets. Il y a le militaire et le diplomate, l’arrogant et le sarcastique. Mais aussi deux hommes qui ont peur, face à un ordre aberrant. La finesse d’esprit des deux hommes est un régal pour les oreilles. A l’image, deux monstres sacrés font une partie de tennis de haute volée. Chacun gagne ou perd des points. Le set n’est pas gagné d’avance. Le militaire subit le présent, doit actualiser un logiciel qui évolue au gré des (mauvaises) nouvelles dans son camp. Le diplomate se projette déjà dans l’avenir, sans nazis, et doit s’adapter à un homme qui n’a plus rien à perdre, sauf sa famille (menacée) et son honneur. Les deux ont surtout la crainte d’être hanté par un échec magistral. Le général en trahissant sa patrie, le consul impuissant d’avoir pu sauver Paris. Le jugement dernier n'est pas loin.
Diplomatie n’est pas un grand film. C’est une belle œuvre. De celle où l’esprit, les dialogues, les personnages croient encore à la force de la parole. Deux caractères, le rigide et le souple, qui cherchent à briser les défenses du partenaire par petites attaques. Des états d’âme qui fournissent deux grands numéros de comédiens. Tout cela procure du plaisir.
Bien sûr, la réalisation n’est pas contemporaine. Mais son classicisme ne le dessert pas puisqu’il illumine les mots. Toute négociation est affaire de mots. Une déclaration d’amour aussi. Schlöndorff en fait une à Paris (dont le générique final fait écho à celui de La Grande Bellezza) avec la chanson, « J’ai deux amours, mon pays et Paris ».
vincy
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