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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Arrête ou je continue
France / 2014
05.03.2014
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LA FORÊT DÉSENCHANTÉE
Sophie Fillières est une cinéaste qui sait ce qu'une image signifie. C'est aussi une auteure qui aime filmer les actrices en les sublimant. Emmanuelle Devos donne ainsi corps à ce personnage de femme seule, perdue, en quête d'une vitalité que le temps a enfouit. Mais Fillières abandonne la fantaisie dramatique pour un film plus sombre et ostensiblement allégorique. Un peu trop sans doute. L'idée est belle, mais si évidente et si simple que le spectateur comprend vite dans quelle épopée il est embarqué.
Arrête ou je continue est l'histoire d'un couple qui vit ses derniers instants. Film crépusculaire : ils n'ont plus rien à se dire. Ils coexistent (c’est sans aucun doute la partie la plus réussie, la plus étonnante). On a du mal à imaginer qu'ils se sont aimés mais on comprend bien pourquoi ils ne s’aiment plus. Nous sommes déjà dans l'obscurité. Ils sont déjà en voie de séparation. Ils se délitent. Reste à savoir qui va rompre et quand. Il faut tout le talent de Mathieu Amalric et d'Emmanuelle Devos pour les incarner dans cet univers faussement coloré, réellement glaçant. Les deux comédiens, malgré la banalité des situations, parviennent à balancer la pique qu’il faut, faire le geste nécessaire pour que leur désamour, leur petite démence, leurs angoisses transcendent un récit assez classique. La psychologie est fine, les acteurs savent en illustrer chacune des nuances.
Et puis Fillières les emmène se promener dans les bois. La forêt sert de maquis. La forêt, rien de mieux que pour méditer, réfléchir. Rien de mieux pour se paumer. Se désorienter. La forêt c'est le retour à la nature, à son côté primitif. Elle est belle, verdoyante, ensoleillée. Mais on peut y avoir froid ou faim. On ne peut qu'y vivre ou s'y laisser mourir. Par petits symboles ou anecdotes très révélatrices, la cinéaste nous conduit vers un conte cruel pour adultes, quand on sait que l'amour ne dure pas toujours. Parfois les séquences sont fulgurantes de grâce. Mais l'ensemble reste chaotique, trop monodramatique pour nous happer. L'alchimie semblait possible, avant qu'elle ne se heurte finalement au concept, déjà vu.
A la fois inquiétant et étouffant, cette drôle de fantaisie dépressive produit une forme de malaise, entre folie de l'esprit et peur charnelle. Il faut un chamois pour que l'on puisse sortir de cette apocalypse amoureuse. Idée prodigieuse où l'homme/la femme redevient l'égal de l'animal. Où l'on commence à redevenir humain en sauvant l'autre. Mais, on regrette que l'ironie et l'écriture ciselée de la première partie se soit évaporée au profit d'un drame bien plus convenu (sur le fond) malgré une inspiration indéniable sur la forme, portée par les deux grands comédiens de Desplechin.
vincy
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