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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Monuments Men (The Monuments Men)
USA / 2013
12.03.2014
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LA GRANDE VADROUILLE
"Qui se souciera que la statue de David soit toujours debout et sue la Joconde sourie toujours?"
Que George Clooney se soit pris d’intérêt pour ces Monuments Men, conservateurs de musée, historiens d’art ou artistes chargés par le gouvernement américain, sous la présidence Roosevelt, de récupérer les œuvres d’art dérobées par les nazis, n’a rien de surprenant. De toute évidence, il tenait là un sujet en or. Aussi bien d’un point de vue cinématographique qu’historique, puisque cela lui permet d’aborder cette sombre période de manière détournée sans être submergé par le poids de l’histoire.
D’où l’ancrage d’une proposition artistique très Hollywoodienne dans son traitement, c’est-à-dire légère, plutôt manichéenne, divertissante et surtout très inoffensive. Pour ce faire, George Clooney nous embarque au cœur d’une aventure assez folklorique portée par une brochette de stars visiblement ravie d’être là – Clooney himself, Matt Damon (qui parle Français comme une vache parle espagnol), Cate Blanchett (qui aime pratiquer son Français), Bill Murray, John Goodman, Hugh Bonneville, Bob Balaban et le frenchie Jean Dujardin (qui tente de parler Anglais).
Mais est-ce suffisant pour en faire un bon film ? Assurément, non. Il en ressort un long-métrage boiteux, d’impression bâclée, ne trouvant jamais le bon ton malgré sa prédilection, fort étrange, pour le burlesque. Un côté Charlot qui vire plutôt vers Les Charlots. Clooney hésite, tâtonne son écriture, se repose sur des individualités/stars peu ou pas assez personnifiées, ne prend jamais la hauteur nécessaire face à l’enjeu initial et, au final, n’arrive tout simplement pas à narrer avec énergie les exploits de ces Monuments Men en territoire hostile à la recherche de trésors de guerre spoliés comme la « Madone de Bruges » de Michel-Ange. C'est Indiana Jones qui se serait perdu dans une farce des années 40.
On se retrouve devant un film de potes, un vrai, à la vertu récréative où la posture et les bons mots supplantent le sérieux d’une entreprise qui aurait pu tendre vers plus de didactisme sinon de dramatisation. L’exemple, calamiteux, de la partie qui s’attache à décrire la relation entre James Granger/Matt Damon et Claire Simone/Cate Blanchett est d’un ennui mortel et loupe le cadre par manque de crédibilité dans la dialectique mise en place par le réalisateur. Pire, Clooney transforme la réalité historique (sans aucune justification). Claire Simone est inspiré du personnage de la "Résistante des musées", Rose Valland, qui fut l'une des rares personnalités de cette époque ouvertement lesbienne. Ce travestisme de la vérité rend un peu plus confus le propos.
Dire de Monuments Men qu’il manque de percussion est un doux euphémisme. Le film évolue bizarrement dans un no man’s land narratif au rythme haché, illogique, contre productif laissant l’aspect humain sur le bas-côté au profit de ces pieds nickelés apprentis soldats à l’artificialité coupable. L’immersion, celle d’un enjeu facilement identifiable dans un contexte lui-même reconnaissable entre mille, manque cruellement de véracité. Ce qui annule les velléités bien académiques d’un cinéaste en roue libre capable de nous pondre, tant bien que mal, deux ou trois scènes correctes mais bien isolées. Elles sont, en effet, noyées dans la succession de scénettes à la gloire d’un casting où il fait bon de cabotiner (Dujardin fait du Dujardin, Goodman fait du Goodman) au lieu d’incarner des personnages embarqués dans le flot incertain du cycle d’une histoire en reconstruction.
Le film, pas vraiment aidé par l'insupportable musique de Alexandre Desplat, manque ainsi toutes ses tentatives de vouloir nous divertir et nous passionner pour cette histoire qui en avait pourtant tous les ingrédients. Pire, il fait une faute historique en oubliant de rappeler qui étaient les spoliés (hormis les musées et les églises, la plupart des oeuvres provenaient de familles juives). On atteint l'horreur quand, découvrant un sac de "pépites d'or", nos "aventuriers" comprennent qu'il s'agit de dents en or. Plutôt que de dramatiser l'instant, d'avoir du dégoût, on passe à la scène suivante. A voir le film, on pourrait même croire que ces hommes avaient beaucoup de chance : des allemands qui tirent mal, des explosifs ennemis défectueux, des soviétiques moins malins...
Ce Monuments Men reste trop « propret » et léger pour soulever autre chose que les quelques rires gêner bien fades au regard de la promesse d’une aventure que l’on aurait souhaitée plus proche du cinéma d’un Peckinpah que d’un Soderbergh mal inspiré.
geoffroy
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