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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Valse pour Monica (Monica Z.)
/ 2013
19.03.2014
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LA VALSE A MILLE TEMPS
"Tout ce que j'entends dans cette maison, c'est : ne te crois pas extraordinaire."
La vie de Monica Zetterlund sonne comme une belle mélodie qui, à force de tourner en boucle, finit par s'érailler. A l'image de l'affiche, où l'actrice Edda Magnason apparaît, lumineuse, mais cerclée de noir, le film de Per Fly met en scène les facettes les plus sombres de la célèbre chanteuse suédoise. L'ambition et la soif artistique qui habitent la jeune femme la poussent à préférer la scène à sa propre vie. Dès l'ouverture du film, la jeune chanteuse croule sous les applaudissements d'un public local conquis. Avec son port de reine et ses airs de Grace Kelly scandinave, la belle a tout d'une star. Mais ses collants sont encore troués, et son mal-être permanent.
Le réalisateur s'attaque à une figure récurrente dans nombre de biopics : celle de l'artiste seule et incomprise. Tour à tour fragile, effrontée, égocentrique et vulnérable, Monica réalise l'exploit de chanter du jazz en suédois. Malgré les échecs à l'international, dans un club new-yorkais et à l'Eurovision, son succès fait l'unanimité. Partout, sauf chez elle, dans la petite bourgade de Hagfors, qu'elle veut quitter au plus vite. Bengt (stupéfiant Kjell Bergqvist), son père, trompettiste raté, l'accuse de n'être jamais satisfaite. Rien ne semble en effet l'arrêter dans sa quête, pas même sa fille, qu'elle élève seule depuis ses 17 ans.
Car au-delà de l'ascension d'une chanteuse douée et ambitieuse, le film raconte surtout le combat d'une femme pour poursuivre son rêve, quel qu'en soit le prix. Pour se donner les moyens de réussir, Monica sacrifie sa tranquillité d'esprit, sa santé, sa vie intime et même (tabou ultime) son rôle de mère. Pire, elle le fait en connaissance de cause, parce que renoncer serait encore plus douloureux que de décevoir sa fille. Ce dilemme moral rend plus sensible la passion dévorante de la jeune femme pour la musique, et lui donne en même temps une portée éminemment universelle. Dans le domaine artistique comme dans la vie de tous les jours, le goût du succès est souvent amer, surtout si l'on est une femme.
Alors que les concerts, les soirées mondaines et les collaborations s'enchaînent, la réalité de Monica chancelle. Dans la première partie du film, elle apprend les erreurs à ne pas commettre, notamment dans sa rencontre avec Ella Fitzgerald, qui la somme d'arrêter d'être quelqu'un qu'elle n'est pas. Un conseil qu'elle appliquera à sa manière. Car Monica construit son propre monde, faisant fi des choses et des gens qui se mettent en travers de son chemin. Au sein de son propre groupe, elle s'improvise chef d'orchestre et impose sa mélodie. Mais la vie, hélas, n'a rien d'une partition. La chanteuse l'apprend à ses dépens.
Alcool, médicaments, vie sentimentale houleuse... Le mythe de Monica Z. se délite. Per Fly évite cependant tout jugement susceptible de réduire la chanteuse à son chaos intérieur. Si le scénariste Peter Birro a choisi de condenser les éléments de sa vie sur une période réduite, le film n'en reste pas moins fidèle à la légende qui a marqué (et continue de marquer) la Suède et le Danemark. La collaboration avec le pianiste Bill Evans et le mariage avec Sture Ȃkerberg font figure d' happy ends qui, loin d'être gratuits, permettent au film de délivrer un message sincère sur l'amour de soi. Emeline
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