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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'étrange petit chat (Das merkwürdige Kätzchen)
Allemagne / 2013
02.04.2014
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CHAT PITRE
"- Qu’est-ce qu’il fait, le chien ?
- Il écoute le chat ronronner tout en grognant. Parfois, il est tellement ému qu’il en aboie de joie."
Pour son premier long métrage, le jeune réalisateur allemand Ramon Zürcher assume le minimalisme de son récit, moins porté par une intrigue précise que par les interactions entre ses personnages à l’occasion d’une situation éminemment banale. Contraint par l’unité de temps et de lieu qu’il s’est lui-même fixée, l’ambitieux cinéaste fait de l’appartement principal, et notamment de sa cuisine, un lieu sournois où tout peut arriver à tout moment. La tension qui monte au fil des scènes est d’autant plus insidieuse que la construction narrative gomme tout ce qui n’est pas quotidien. On est face à des personnages qui échangent des propos de tous les jours, se racontent des anecdotes sans intérêt et, surtout, se croisent et se frôlent dans la géographie complexe du lieu. C’est pour le spectateur comme observer le ballet incessant d’une ruche, articulé autour de deux principes en apparence opposé, d’une part le mouvement des protagonistes, de l’autre l’immobilité du plan. La caméra, et donc le spectateur, semble en effet un observateur extérieur dont le champ de vision est perpétuellement troublé par les personnages en mouvement du film. Filmés de trop près, ou coupés en deux par le cadre, ces derniers sont comme morcelés, démembrés par une mise en scène qui recherche à tout prix l’effet de déformation. Jusqu’à la stylisation de l’image qui les fait évoluer dans un décor aux couleurs artificiellement passées et dont les contours sont à moitié flous du fait de la faible profondeur de champ.
Dans ce film de pure atmosphère, le surnaturel semble parfois s’inviter, notamment par le biais des objets et des animaux qui semblent tous "débloquer" à leur manière : une bouteille qui danse sur elle-même comme un derviche tourneur, une saucisse qui refuse de se laisser découper, un chien qui aime regarder un chat ronronner… Le malaise est de plus en plus palpable, diffus, envahissant, et pourtant difficilement explicable par l’unique diégèse. Plus qu’une cause définie, ce sont mille petits détails apparemment sans importance qui créent cette ambiance encore plus étrange que le « petit chat » du titre. Le son, notamment, semble mener un récit parallèle à travers les insupportables cris stridents de la fille de la maison, les aboiements réprimés du chien, les vociférations du mixeur. Les mots eux-aussi portent leur lourd lot d’incongruité, lorsqu’ils dépassent la pensée de celui qui parle, ou se heurtent violemment à l’indifférence ou à l’hostilité de celui qui écoute. Entre effroi silencieux et incommunicabilité policée, l’étrange petit chat laisse alors place à la bizarrerie commune de l'être humain.
MpM
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