|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Salaud, on t'aime
France / 2013
02.04.2014
|
|
|
|
|
|
MA FAMILLE, MES AMOURS, MES EMMERDES
« Quand est-ce que tu seras raisonnable, papa ? »
Quatre ans après le larmoyant Ces amours-là, Claude Lelouch revient à ses premières amours – ou plutôt ses « emmerdes » : la famille. Dans Salaud, on t'aime, le Sam Lion d' Itinéraire d'un enfant gâté se mue en père absent qui rêve, cette fois, de réunir ceux qu'il aime. Ancien photographe de guerre, Jacques (Johnny Hallyday) quitte Paris pour le domaine de l'aigle, un chalet immense et isolé dans les Alpes. Dragueur (ou aventurier) invétéré, il tombe amoureux de Nathalie (Sandrine Bonnaire), agent immobilier et énième conquête. Aguerri donc, Jacques souhaite inviter ses quatre filles (de quatre mères différentes) dans ce nouvel havre de paix. Seulement voilà, quand votre aînée publie un livre sur vous et l'appelle Salaud, on t'aime...
Difficile de ne pas associer le passé de Johnny Hallyday à son personnage. Père absent, gueule de baroudeur... et pote de toujours avec Frédéric (Eddy Mitchell) ! D'emblée, on s'imagine un film réalisé par une bande de copains (Lelouch a tourné une comédie mettant en scène le chanteur en 1972, L'aventure, c'est l'aventure) qui se retrouvent pour une dernière séance. D'où cette nostalgie qui habite chaque scène et la rend particulièrement savoureuse – notamment celle où Jacques et Frédéric se mettent à chanter la musique du western Rio Bravo.
Désolé que son ami ne parvienne pas à réunir ses filles, Frédéric raconte à celles-ci que leur père est malade. Et ça marche. Printemps, Été, Automne, et Hiver (leurs prénoms, Lelouch adore les métaphores grossières) rappliquent toutes au domaine de l'aigle. Le chalet devient vivant, rempli de gens différents. Heureux, Jacques cherche l'harmonie qui lui a fait défaut tout au long de sa vie, dans la guerre comme au sein de sa propre famille. Mais ce mensonge révèle plus qu'il ne dissimule. Les sœurs aiment, et surtout, détestent leur père. Un paradoxe que l'intrigue ne cherche pas à éluder – et c'est tant mieux, car quoi de plus simple et complexe que l'amour paternel ?
De là à « tuer le père »... de façon effective, en plus. Quand Jacques apprend à ses filles l'existence d'une cinquième sœur (du même âge que sa compagne actuelle), c'est la goutte de trop pour Hiver qui s'emporte et lui lance « Je vais te buter ». On vire alors au polar mal ficelé avec un rebondissement tragique étrange. Facilité scénaristique ? Plutôt une complication qui, dans un film pareil, n'est pas vraiment nécessaire. Dans les dernières minutes, le récit se perd en flash-backs et rompt clairement avec le rythme lent imposé dans la première partie. C'est un choix, mais au vu des thèmes abordés (l'amour, l'amitié et tous ces lieux communs qu'adorent le réalisateur et agacent ses détracteurs), la mayonnaise, ici, ne prend pas. On ne comprend pas d'ailleurs ce que la révélation d'un crime apporte à l'intrigue. L'amour et la mort s'attirent, soit. Qu'en est-il si le crime n'est pas passionnel, s'il n'est en réalité qu'un accident...
Quant au thème de la maladie, à l'origine du quiproquo, on n'en parle plus. Ce qui tenait tout le film, ce qui maintenait la tension, est finalement laissé à l'abandon et devient anecdotique. Lelouch voudrait conjurer la mort au fil des films, depuis 25 ans au moins. Imagine la vie, l'utopie amoureuse et familiale comme manière de rester en vie. Mais à chaque fois se mélange les bobines en essayant de nous attendrir avec force, et d'arrondir les angles avec des émotions surdosées. Au final, tout est confus. Emeline
|
|
|