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SUR LES TRACES DU PASSE
« J'ai interprété un rôle, mais après le film je me suis perdu. »
Quarante ans après le film de Djibril Diop Mambety, Touki Bouki, c'est au tour de Mati Diop, la nièce du réalisateur, de s'emparer de cette œuvre fondamentale, qui raconte l'histoire de l'Afrique. Dans Mille Soleils, Mati Diop met à nouveau en scène Magaye, le héros de Touki Bouki, sexagénaire sans le sou qui erre dans les rues de Dakar, en compagnie de ses vaches. Cet homme, comme son personnage, a laissé partir l'amour de sa vie, Anta, à Paris. Dès lors, la distance entre fiction et réalité est abolie.
En ressuscitant cette histoire, en l'ancrant dans un Sénégal moderne, souillé de débris, de sang, et de pauvreté, la réalisatrice pose la question de l'héritage. Magaye assiste à la projection de Touki Bouki, se voit sur l'écran, plein de vie et d'idéaux, à l'image des jeunes Sénégalais qui se moquent de lui : « Réveillez-vous, monsieur ! Ce n'est pas vous sur l'écran, vous rêvez ! » Le réveil a en effet bien lieu. A soixante ans, Magaye n'a jamais quitté Dakar. Au moment fatidique, quarante ans plus tôt, il n'a pas voulu. « Touki veut dire voyage, et toi, tu fais du sur place » lui lance même un de ses amis après la projection. Un jeu de mise en abyme qui permet à Mati Diop de souligner la puissance de l'instrument cinématographique.
Documentaire ou fiction ? Idéalisation du passé ou rejet du présent ? Le film se situe dans un entre-deux qui n'appelle aucune résolution. C'est précisément son sujet et sa grande force. Il y a quelque chose de magique par ailleurs dans ce titre, Mille Soleils. Désigne-t-il l'image scintillante de l'écran et ses couleurs saturées ? Évoque-t-il le soleil couchant de Dakar ? A moins qu'il ne fasse référence à ce procédé – digne d'un alchimiste – qu'est la projection, qui permet de ramener les choses du passé à la vie. Emeline
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