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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Suneung
/ 2013
09.04.2014
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LES MEILLEURS ENNEMIS
Stupeur et tremblements : un bon élève d'un prestigieux lycée est arrêté par la police pour le meurtre du meilleur élève de sa classe. Celui-ci a été sauvagement et impitoyablement frappé à coups de batte de base-ball... Mais s'il y a des indices sérieux, les policiers manquent de preuve formelle et doivent libérer leur suspect. Celui-ci retourne au lycée avec la détermination de se venger de cette humiliation : il va retenir en otage dans un sous-sol quatre autres élèves pour s'expliquer avec eux... Et le film Suneung va alors se dérouler avec des allers et retours entre passé et présent pour découvrir ce qui s'est réellement passé.
Avant que les gens en Corée du Sud hésitent à s'avouer leur amour (comme chez Hong Sang-Soo) ou n'hésitent pas à se taper dessus à coups de marteau (comme chez Kim Ji-woon), ils ont pour la plupart passé une partie de leur adolescence dans un lycée à préparer le Suneung : "test d'aptitudes d'études" équivalent du baccalauréat. Alors qu'en France la pression sur les lycéens est en général relativement soft ("tu feras ce que tu voudras, mais passe ton bac d'abord"), là-bas la pression est beaucoup plus forte ( "tu dois être dans le classement des meilleures notes du suneung pour pouvoir aller dans une des trois meilleures universités, sinon tu n'auras ni bon travail ni bon mariage et ta vie sera foutue")...
Il y a en effet en Corée un véritable système basé sur le classement, être bon ne suffit pas : il faut être le meilleur, et il s'agit moins de réussir le suneung que d'y être excellent. Cette méritocratie ouvre les portes des meilleures universités et des meilleures relations sociales pour l'avenir et la tradition du suneung est inculquée aux enfants dès leur plus jeune âge. Ceux qui en ont les moyens dépensent des fortunes en cours privés (les hagwon) en plus de l'école, et ce culte de la réussite à tout prix avec le nez dans les livres presque 13 heures par jour (quand un adulte travaille moins de 10 heures) fait de la Corée du Sud le pays au plus fort taux de suicide parmi les adolescents (devant le Japon). C'est cette situation particulière qui a été l'inspiration de la réalisatrice Shin Su-Won.
Elle reprend les codes du thriller (comme la manipulation, la suspicion, l'intimidation..) de manière assez peu réaliste (jusqu'à la bombe de nitroglycérine) pour témoigner d'une situation problématique bien réelle. Le mystère réside moins dans une relation de cause à effets qui sera dès le début abordée, que dans l'évolution de la manière dont l'individu résiste ou se soumet au groupe. L'histoire commence d'ailleurs par les conséquences avec un élève accusé du meurtre d'un autre, puis elle se raconte avec de nombreux flashbacks entre présent et passé pour comprendre ce qui s'est passé. Le lycée favorise une classe spéciale avec plus de cours préparatoires pour les 10 élèves aux meilleures notes : intégrer et rester dans ce groupe est primordial, quoi qu'il en coûte. Suneung prend alors la forme du thriller pour faire connaître cette réalité sociale. On y voit principalement une prise d'otages avec plusieurs élèves retenus prisonniers pendant que les autorités (police, parents) essaient d'intervenir. Le scénario évolue entre ce présent et le passé avec en particulier le chemin suivi par le jeune June (David Lee) qui intègrera par bonheur et pour son malheur le groupe des meilleurs élèves.
Le film est autant une dénonciation des excès d'un système éducatif qu'un thriller à rebours pour découvrir comment un élève a été tué, et va peu à peu se révéler comme un petit thriller dans une grande école où l'excellence des plus forts va de pair avec l'élimination des plus faibles.
Kristofy
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