Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Une promesse


France / 2013

16.04.2014
 



REMUE-MENINGES A TROIS





« Rien n'a changé, sauf nous »

En adaptant la nouvelle de Stefan Zweig, Patrice Leconte a voulu réaliser un film peu bavard sur la temporalité du désir amoureux, sans pour autant se faire historien. Le récit, comme la nouvelle, débute donc en 1912, en Allemagne, mais très vite, l'arrière-plan historique s'efface pour laisser place à une histoire d'amour somme toute très banale et intemporelle. Quand Friedrich, un jeune diplômé élevé par les services sociaux, devient le secrétaire particulier de Karl Hoffmeister, le patron d'une usine de sidérurgie, c'est une nouvelle vie qui s'offre à lui. Comme Rastignac, Friedrich est ambitieux, arriviste et tombe amoureux d'une femme de plus haut rang, Charlotte Hoffmeister. Celle-ci apparaît d'ailleurs pour la première fois du haut de l'escalier, au pied duquel se tient un Friedrich aussi intimidé que transi.

C'est l'histoire de cette ascension fulgurante que filme Leconte dans un premier temps. Le protagoniste ne fait que ça, monter des escaliers, enchaîner les promotions, pour en venir finalement à s'installer dans la maison de son propre patron. La passion que réveille en lui la belle Charlotte est en réalité présente en lui depuis le début, alors qu'il visite les hauts-fourneaux, où on entretient le brasier. Charlotte est la seule chose irrationnelle de son existence. Il avait prévu de s'élever, mais pas de succomber.

Friedrich investit la famille Hoffmeister sans s'en rendre compte. Il donne des cours gratuits au fils, Otto, partage repas et jeux avec la famille. Comme pour se racheter. A noter que Friedrich ne souffre pas en tant que pécheur (le personnage ne se rend à l'Église que pour voir Charlotte, et ne culpabilise pas d'aimer une femme mariée) mais en tant qu'amoureux qui ne sait pas s'il est aimé en retour. De fait, de ce triangle amoureux, le mari n'est pas exclu, mais contribue même à l'amour entre Charlotte et Friedrich. Vieux, malade et triste (tout l'opposé de Friedrich), Karl n'en est pas moins amoureux de sa femme et c'est ce sentiment que lui et son apprenti ont en commun, davantage que la gestion d'une usine de sidérurgie. C'est pourquoi Karl dit à Friedrich au moment où celui-ci doit partir au Mexique pour superviser l'exploitation de mines de fer, « Merci d'avoir fait ce sacrifice. » Après tout, Friedrich est devenu un membre de la famille Hoffmeister. Il est même une copie du maître de maison, comme le suggère les premières scènes. Karl ne manque pas de le lui rappeler : « Vous vous occupez de toute la famille, maintenant ? »

Étrange comme un étranger à l'allure modeste peut bouleverser la vie d'une famille aisée. Friedrich est plein de vie – grâce à lui, la maison (où les protagonistes évoluent, sans en sortir quasiment) est emplie de joie, de bruits. La promesse que lui fait faire Charlotte, à savoir de revenir la voir dans deux ans, est celle d'un avenir moins terne. Mais cet avenir rime avec la guerre. La couleur des robes et des cheveux s'affadissent, la mort rôde, et l'espoir du retour de Friedrich s'amenuit. La maison gît dans un brouillard pesant et permanent. Et la guerre est perdue. Cette dernière partie du film – qui en constitue pourtant le titre – déçoit par son manque de cohérence. Même si Leconte a privilégié dans la première la sensualité de la relation (alors inexistante) entre Charlotte et Friedrich et ses non-dits, on ne comprend pas pourquoi la narration s'accélère brutalement et finit par parler beaucoup pour ne rien dire. Si le désir amoureux est mis à l'épreuve du temps dans la nouvelle de Stefan Zweig, ici, le temps n'est qu'une succession de lettres qui s'écrivent et d'années qui s'écoulent, sans grand intérêt. Ce vide comblé par cet amas de mots aurait sans doute servi à merveille le dénouement de la nouvelle de Stefan Zweig, puisque les deux amants, lors de leurs retrouvailles, sont, à l'image de l'atmosphère d'après-guerre, froids et distants. Leconte a opté pour le happy-end rassurant et romantique, qui libère des frustrations que le spectateur a accumulées jusque-là.
 
Emeline

 
 
 
 

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