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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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96 heures
France / 2013
23.04.2014
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LA SURVIE DE L'ESPECE
« Ça fait trois ans que j'attends, tu ne vas pas me gâcher le plaisir »
Difficile de réaliser un énième film policier sans tomber dans certains écueils... Avec 96 heures, Frédéric Schoendoerffer, qui a récemment signé les quatre premiers épisodes de la série Braquo, délaisse les courses poursuites pour un huis-clos qui inverse les codes du genre. Cette fois, c'est le truand qui pose les questions, et le flic qui passe (au moins) un sale quart-d'heure.
Le film est donc centré sur le jeu des deux acteurs principaux, Gérard Lanvin et Niels Arestrup, et sans surprise, enchaîne les gros plans pour renforcer l'impression d'enfermement, et les champs/contre-champs pour évoquer le combat de deux hommes que tout oppose. L'un est sang-chaud et puissant, l'autre plutôt sang-froid et prudent.
Étrangement, ces forces de la nature (et monstres du cinéma) semblent liées par le sang (métaphorique et littéral, car Carré, bien que policier, n'est pas plus blanc que le cruel Kancel). L'un ne vit pas sans l'autre. Dans la belle demeure ancienne de Kancel, lieu de détention de Carré, dont chaque pièce est le théâtre d'un affrontement psychologique, on cherche à savoir qui a balancé Kancel, trois ans plus tôt. De la réponse dépend le salut du truand et celui de Carré, lui-même confronté à un dilemme moral. C'est là que le film sort des sentiers battus : ici, pas d'intrigue mafieuse (l'idée d'interpréter Kancel comme un gangster des années 70 a vite été abandonnée par Arestrup) ni de résolution rocambolesque. C'est avant tout une affaire de famille.
Kancel et Carré sont arrivés à un moment de leur existence où on songe au temps qui reste. Avant d'être pris en otage, Carré bichonnait son poulain (Sylvie Testud), nouvelle recrue et sans doute, celle qui le succédera à la tête de la BRB (Brigade de Répression du Banditisme). Tandis qu'il assure son héritage, Kancel, de son côté, voue un amour sans bornes à son petit-fils. La réflexion sur le temps et ce qu'on laisse derrière soi est soulignée par les jeux de miroirs, mais surtout par La Persistance de la mémoire avec Les montres molles de Dalì. La présence du tableau ajoute au sous-texte de 96 heures, en élevant la temporalité non plus au stade de simple suspense, mais à une réflexion d'ordre philosophique, existentielle. On sort rarement de la maison. C'est un monde à part, avec ses propres règles.
« L'art de la police est de ne pas voir ce qu'il est inutile qu'elle voie » En citant Napoléon, Schoendoerffer s'amuse des contradictions du métier de policier. Marion (Sylvie Testud) mène sa propre enquête pour trouver Carré, mais finit par arriver trop tard. Un parti pris audacieux, surtout quand le personnage principal parle de « gagner du temps ». Ici, le thriller, efficace, est bouclé en moins deux. Le scénario est convenu, la psychologie déjà vue, les dialogues écrits comme au bon vieux temps : ce polar à l'ancienne, sans réelle surprise, ne cherche pas à transcender son duel. Juste à nous embarquer dans une spirale finale, tragique, classique. Emeline
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