Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Ali a les yeux bleus (Ali ha gli occhi azzuri)


Italie / 2012

30.04.14
 



CULTURAL BLUES





« Burqa ou pas, t'es toute ma vie »

Entre réalisme documentaire et fable épique, le deuxième long métrage du réalisateur italien Claudio Giovannesi évoque un conflit culturel à la fois universel et moderne. Nader, jeune Romain né en Égypte, est amoureux de Brigitte, une jeune italienne qui arbore piercings et minijupes. Quand l'adolescent l'annonce à ses parents, ces derniers sont outrés : « Ce n'est pas bien d'avoir une copine ! » martèle la mère. « Mais c'est ma vie ! » réplique Nader. Vivre par soi-même ou selon l'Islam, Nader a choisi.

Pendant sept jours, le jeune homme erre dans les rues d'Ostie, sur le littoral romain, à la quête de sa propre identité. Caméra à l'épaule, on le suit, tiraillé entre sa culture d'adoption et sa culture d'appartenance. Il mange du porc, tire à la carabine, goûte à l'interdit. Et tout doit se faire très vite, l'amour (la première fois) comme la violence (les premiers braquages). Le réalisateur filme ces instants de vie qui se succèdent avec la nervosité de l'adolescence, comme pour suggérer à quel point cette problématique est prégnante, bouillante, et pas loin d'exploser. En Italie, contrairement à la plupart des pays européens et occidentaux, l'identité multiculturelle et multiethnique est encore mal acceptée. Le personnage de Nader incarne cet entre-deux dans lequel toute identification reste impossible, ou du moins floue.

De fait, Nader est contradictoire. Il rejette le Christ, mais méprise sa propre religion. Il applique l'Islam à sa sœur, mais pas à lui. Au final, le jeune homme, qui a frappé à toutes les portes, doit se contenter de rester sur le seuil. Mais l'intrigue ne se limite pas à Nader. Ce dernier compte sur le soutien de son meilleur ami, Stefano, italien, et d'un camarade, Zoran, jeune Roumain tout juste arrivé en Italie. Stefano incarne l'Occident, avec ses libertés, et Zoran l’étranger, à qui on attribue la trahison. Si ces personnages, eux, ont une identité à défendre, contrairement à Nader, les embrouilles s'enchaînent, et tous finissent rongés par le même mal. C'est là que le réalisateur parvient à lier la problématique culturelle et ethnique à une problématique plus universelle, celle de l'adolescence, et cette propension à défier tout interdit et à s'affirmer en tant qu'individu.

Un film qu'on ne qualifiera pas de « coup de poing » : le but n'est pas de frapper le spectateur par la force du propos, mais par la sobriété et la poésie. Dans un dernier plan symbolique, la famille de Nader dîne en silence. La place du fils est vide. On sait que Nader ne reviendra pas et que, s'il venait à le faire, il ne serait plus jamais le même.
 
Emeline

 
 
 
 

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