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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Avant l'aube (Vidyum Mun)
Inde / 2013
30.04.2014
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LA PROSTITUTION ENFANTINE A KOLLYWOOD
« A 12 ans... C'est une enfant, pas une "fille" »
Envie d'un drame sentimental sur fond de musique envoûtante ? Passez votre chemin. Avant l'aube n'a rien d'une production bollywoodienne. Le cinéma de Kollywood (cinéma en langue tamoule produit dans le sud de l'Inde) est le petit frère des studios de Bombay, et les films n'en sont pas moins produits à la chaîne, avec force scènes de danse et d'action. Mais ici, le réalisateur Balaji K. Kumar oublie ce qui fait le bonheur de millions d'Indiens pour délivrer un thriller d'une noirceur inédite, proche du cinéma de Michael Mann. Il n'est pas étonnant de trouver des traces du cinéma américain dans ce film tamoul. Après tout, Kumar a fait ses preuves comme scénariste et concepteur visuel en Californie à ses débuts.
Au vu des sujets abordés (la prostitution enfantine et la pédophilie), le réalisateur aurait très bien pu se contenter d'offrir une vision misérabiliste, doublée d'une condamnation morale, d'un phénomène largement répandu en Inde (13 enfants par heure y disparaissent, d'après le rapport de la Fondation Scelles en 2013). Certaines scènes rendent inévitablement mal à l'aise, mais sans être choquant, Avant l'aube interroge avec pudeur et subtilité les causes et les conséquences de nos actions. Le personnage de l'enfant (Malakiva Manikuttan, jeune actrice prometteuse) permet au film de porter un regard neuf et distancé sur la réalité de notre monde, sans jugement.
Les (nombreux) protagonistes, de fait, échappent à toute catégorie. Le maquereau, archétype du vilain dans les thrillers traditionnels, est aussi un humain qui veut sauver sa peau. La femme qui se prostitue n'est pas incorruptible et assume son travail, ce qui ne l'empêche pas de sauver une petite fille des mains d'un riche pervers. Dans les dernières minutes, le tueur sans pitié dont les intentions sont masquées, se révèle être une victime qui mène sa propre vendetta. En ayant construit des personnages ambivalents et complexes, Kumar délivre une intrigue aussi profonde que surprenante, qui se paie le luxe de recourir parfois à l'humour noir.
En revanche, visuellement, le film aurait gagné à plus de sobriété. Avec leurs faux décors et leurs grossiers effets sonores, certaines scènes (la dernière surtout) laissent une impression désagréable de « m'as-tu-vu » qui rappelle trop, justement, le kitsch bollywoodien.
Emeline
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