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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Aux yeux des vivants (Aux yeux des vivants)
France / 2013
30.04.2014
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DANS LA MAISON
Le duo de réalisateurs Julien Maury et Alexandre Bustillo avait apporté un peu de sang neuf dans le film de genre français en 2007 avec A l'intérieur en 2007, puis en 2011 avec Livide, ils reviennent encore au gore avec Aux yeux des vivants. Après la violence frontale d'une femme qui veut prendre le bébé à l'intérieur d'une autre avec du sang et des hurlements, après l'angoisse diffuse d'un manoir hanté avec des cris et des chuchotements, ce troisième opus ressemble presque à un best-of des films fantastiques américains les plus connus (dé)tourné 'à la française' : petit budget, scénario moyen, grande passion. Aux yeux des vivants est en même temps leur film le moins personnel eti le plus accessible.
L'histoire se déroule en deux temps trois mouvements. Pour les deux temps avec les trois adolescents d'abord en extérieur du chemin de l'école jusqu'au vieux décor (presque) abandonné, puis en intérieur dans la maison de chacun de ces trois enfants. Pour les trois mouvements on commence avec une introduction qui nous présente ce que sera 'la chose' qui fera peur, puis une longue partie où on attend d'avoir peur sans qu'il ne se passe grand-chose, et enfin le virage vers la peur attendue. Sauf que ce qui va arriver à deux enfants est expédié trop rapidement pour s'intéresser surtout au troisième.
La structure du film souffre ainsi d'un certain déséquilibre, et même de quelques bizarreries narratives dans le scénario (une femme dans un coffre oubliée, un jeu de cache-cache avec un téléphone...). Pour autant, ces faiblesses incohérentes apparaissent moins comme des défauts rédhibitoires que comme des écueils pardonnables. Aux yeux des vivants est comme une tentative de réunir dans un récit original des éléments en hommage à quantité de films américains : les gosses sont un mélange entre ceux de Stand by me et Les Goonies, le tueur est un mélange entre ceux de La colline a des yeux (dont le personnage Emilie de Ravin avec un bébé ensanglanté semble avoir inspiré l’affiche) et d'Halloween, la maison qui n'est plus un refuge est un mélange entre celle de Paranormal Activity et celle d'Insidious, il y a aussi une baby-sitter contre un téléphone comme dans Terreur sur la ligne, etc.
Pour ce qui est de faire avancer le film de genre français, il faut reconnaître que c'est mission impossible : budget de production insuffisant et diffusion au cinéma trop aléatoire avec seulement quelques salles et l'interdiction au moins de 16 ans (quand ce n'est pas l'interdiction aux mineurs de moins de 18 ans). Ils ne sont pas nombreux d'ailleurs ceux qui ont essayé et dont les films ont plus de succès à l'international. Ils sont trois : Alexandre Aja (Haute Tension), Xavier Gens (Frontière(s)) et Pascal Laugier (Saint Ange et Martyr), qui depuis travaillent aux Etats-Unis (La colline a des yeux, The Divide, The Secret) ; rejoints par le belge Fabrice Du Welz (Calvaire, Vinyan) ; le duo Julien Maury et Alexandre Bustillo étant la cinquième roue du carrosse (ils sont courtisés eux-aussi par les Américains, sans suite pour Hellraiser et Halloween 2). Le scénario d'Aux yeux des vivants découle d'ailleurs d'une histoire qu'ils voulaient filmer aux Etats-Unis, et on peut saluer le fait qu'au moins, ça ait pu être fait en France.
Pour terminer ce bref état des lieux, on peut se réjouir, cette année, de la très bonne surprise venue du film Goal of the Dead de Benjamin Rocher et Thierry Poiraud, qui fait une tournée en salles dans quelques villes en ce moment-même.
Mais pour en revenir à Aux yeux des vivants, les réalisateurs Julien Maury et Alexandre Bustillo parviennent tout de même à échapper à l'impression de copier/coller américain en proposant un film qui leur ressemble grâce au casting qui fait des clins d’œil à leurs deux films précédents et même à d'autres films de genre français. Les personnages principaux sont trois adolescents et en particulier Zacharie Chasseriaud (d'ailleurs presque trop âgé pour le rôle) et 'la chose', et une Anne Marivin surprenante, mais dans des petits rôles on reconnaît leur fidèle Béatrice Dalle de A l'intérieur ainsi que la belle Chloé Coulloud de Livide. Certains seconds rôles se sont illustrés précédemment dans d'autres films de genre français honorables : Francis Renaud était dans Mutants, Nicolas Giraud dans Vertige, Manu Lanzi a chorégraphié les combats de ce type de films… Ils seront tous chacun à leur tour face à 'la chose' dont l'étrange et fantomatique présence inquiète, fait peur, et tue.
L'histoire retarde autant que possible les moments de mise à mort, l'horreur s'installe de manière crescendo avec de la brutalité hors-champ qui est suggérée puis de la violence plus frontale. Après quelques détours scénaristiques pour installer une ambiance qui fait craindre le pire, on arrive enfin à la figure de style du 'home invasion' où il ne vaut mieux pas rester couché dans son lit la nuit...
C'est tout une imagerie américaine et française qui est rassemblée dans ce film pour raconter une histoire qui ne nous est pas totalement inconnue mais qui va quand-même nous surprendre. L'ambition première des réalisateurs semble être avant tout de faire plaisir aux spectateurs friands de ce type de divertissement. Un monstre qui s'attaque à des enfants dans leur maison : l'idée même est une terreur effroyable aux yeux des vivants…
Kristofy
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