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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le promeneur d'oiseau
France / 2013
07.05.2014
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LOST IN TRANSLATION
« L'oiseau chante bien, mais un peu tristement »
Dans Le promeneur d'oiseau, le réalisateur français Philippe Muyl raconte le périple d'un grand-père (Zhigen) et de sa petite-fille (Renxin), dans une Chine partagée entre tradition et modernité, richesse et pauvreté, nature et technologie. Ce premier film chinois réalisé par un Français met en scène un Orient tout sauf fantasmé, où le matérialisme prime sur la spiritualité (l'oiseau), ou des valeurs comme la famille et l'idée de transmission.
En début de semaine, un londonien nommé Gary Turk a fait le buzz en publiant sur YouTube sa vidéo « Look Up » qui invite à couper son téléphone portable pour revenir à la « vie réelle ». Si son message fait passer les internautes pour des « idiots » qui passent à côté de leur vie, on retrouve, dans le film de Philippe Muyl, cette même problématique, profondément moderne. A la différence près que le réalisateur n'impose pas son point de vue. De son propre aveu, il n'aurait jamais osé porter un regard critique sur la société chinoise. Les parents de Renxin sont riches, vivent dans un grand appartement à Pékin. Mais tous deux sont accaparés par leur travail, et la communication passe mal. Quand le grand-père de Renxin, paysan qui a connu la Révolution culturelle, vient à s'occuper d'elle, ce dernier peine à assumer son rôle. Renxin est un peu le trait d'union entre le monde ultramoderne et hyper connecté qu'est Pékin, et la génération sacrifiée qu'incarne Zhigen.
Tout au long du film, la petite-fille passe de la sale gosse pourrie gâtée dont le seul souhait est de « devenir riche » (auquel son grand-père réponse qu'il s'agit d'un « résultat, pas d'un objectif »), à une enfant avide de découvertes et de rencontres. Elle laisse tomber son Ipad, coupe la communication avec sa mère, écoute et ressent la nature (comme lui conseillait son professeur de danse au début dans une pièce froide et incolore de Pékin). Finalement, la figure du grand-père, qu'on associe généralement à un passeur d'histoire, est moins idéalisée que dans Le Papillon, autre film de Philippe Muyl, où Michel Serrault guide la jeune Claire Bouanich vers le papillon de nuit. Maladroit, Zhigen ne fait que se tromper de direction. Pour Renxin, ces chemins de traverse sont autant de terrains de jeux inédits, où elle peut enfin « être tranquille ». L'oiseau, qui pour le grand-père symbolise l'âme de sa femme décédée, devient pour la petite-fille une image d'elle-même, enfermée dans une cage dorée.
Pensé comme une fable, Le promeneur d'oiseau s'apparente à un récit initiatique dans lequel beaucoup peuvent se reconnaître. De la Chine, on ne retient essentiellement que la beauté de sa campagne et des villages comme Yangshuo où séjournent le grand-père et la petite-fille. Une façon d'intégrer une dimension écologique à cette problématique de la tradition et de la modernité. Une Chine idéalisée, orientaliste, dont on préfère ne se souvenir que de l'essence, loin des grondements du dragon capitaliste. Pourtant, à voir cette famille qui implose, on devine que les mutations de la Chine n'y sont pas pour rien... Une fable moderne imprégnée d'une nostalgie sympathique.
emeline
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