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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Maléfique (Maleficent)
USA / 2014
28.05.2014
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MA SORCIÈRE MAL AIMÉE
Hello Marraine.
- Hello mocheté.
Dans sa vaste entreprise consistant à se réapproprier les contes populaires de notre culture occidentale, Walt Disney fut souvent accusé de dénaturer les œuvres littéraires pour satisfaire ses contraintes marketing (Saving Mr. Banks nous l’a rappelé récemment). Le papa de Mickey avait pourtant encore le mérite de suivre les grandes lignes des textes originaux là où il s’agit désormais de faire littéralement table rase de la référence au nom du renouvellement et éventuellement de la nécessité de générer une franchise extensible qui fidélise un public sur la durée. On pouvait déjà émettre quelques doutes (malgré son succès en salles) sur la pertinence d’extrapoler une suite à Alice in Wonderland sans remettre en cause l’intégrité d’auteur de Lewis Carroll. Sans le rabaisser surtout, car il se trouvait que l’histoire de la séquelle manquait totalement d’intérêt et se résumait éventuellement à une jolie coquille vide dont la singularité devait beaucoup au génie visuel de Tim Burton. Mais assurément pas à l’inspiration de la scénariste Linda Wollverton. Scénariste prolifique qui semble avoir les faveurs (comptables) du studio de Burbank, puisqu’on la retrouvera non seulement derrière l’écriture du prochain prolongement des aventures d’Alice, mais aussi à l’origine de cette réinterprétation de La Belle au Bois Dormant.
Il ne faudra donc pas s’étonner que ce nouveau traitement d’un classique de Disney, dont pour mémoire Charles Perrault est la version qui s’en rapproche le plus (si l’on en croit le dossier de presse qui semble confondre original et adaptation) souffre globalement des mêmes défauts évidents. Certes, l’idée de développer ce personnage emblématique de marraine maléfique était sur le papier assez audacieuse. Cette incarnation du mal qui imposait une certaine prestance terrifiante, même à travers les années et malgré les limites du spectacle enfantin, était en effet fort éloignée du modèle de héros fréquentable susceptible de soutenir intégralement un film et qui plus est un Disney.
Bien évidemment le culot a ses limites. Aussi Wollverton s’emploie d’entrée à humaniser celle qui ne l’était absolument pas à l’origine. On remontera ainsi très vite dans sa plus tendre enfance pour justifier pourquoi elle est si méchante et donc lui trouver des excuses. Et craignant que cette plaidoirie ne suffise pas à réhabiliter Maleficent, l’entreprise de trituration conduit la scénariste à transformer l’ensemble des protagonistes du conte de façon à servir la seule cause de la magicienne. Soyons sérieux, on ne parle même plus de trahison ici, cette histoire n’a simplement plus rien à voir avec l’œuvre de Perrault et accessoirement n’aurait jamais du se référer à la Belle au Bois Dormant, si ce n’est pour le charme fatal infligé à la princesse qui sera par ailleurs conjuré d’une forte étrange manière. Car plus que le souci de construire une narration correctement charpentée, l’obsession de Wollverton semble être de distiller dans son récit un féminisme bon teint qui renvoie au girl power qui habitait déjà les deux derniers longs métrages animés Disney (Raiponce et Frozen). N’y voyons pas du progressisme, mais simplement du pragmatisme (chacun est valorisé, les petites filles vont voir les contes de fée, les petits garçons les Avengers). Mais était-il nécessaire d’en arriver à un tel déséquilibre simpliste? Sûr que la gente masculine ne trouve aucune grâce aux yeux de l’auteur et par extension de Maleficent. Les mâles sont soit de purs salauds sournois et arrivistes (les rois Henry et Stefan), soit des crétins pré-pubères bons à pas grand-chose (le prince Philip), soit des toy boys (Diaval). On repassera pour la nuance et la profondeur du propos qu’on résumera au final par on ne se remet jamais d’une déception amoureuse, les hommes sont vraiment tous des ordures, le mieux c’est encore de faire sans.
A défaut d’être transi par la portée du message, nos yeux lunettés en 3D auraient pu être éblouis par les 200 millions de dollars investis dans la production visuelle. Mais là encore le film ne parvient pas à trouver une cohérence dans ses influences. La direction artistique semble avoir ramassé à peu près tout ce qui était en solde dans les banques d’image, alternant des créatures tout droit sorties d’Avatar, d’autres repompées chez Brian Froud (Dark Crystal) sans oublier quelques Schtroumpfs avec de gros yeux cartoons qui semblent uniquement là pour faire du gringue aux plus jeunes avec leurs blagues puériles de rigueur. Mais plus grave, la mise en scène peu maîtrisée se perd dans la débauche digitale, ne parvenant pas à contenir la virtualité de son environnement. Les plans se suivent sans parvenir à servir ni souligner les actions. Il suffirait de comparer l’apparition magistrale du dragon dans le cartoon de Disney et celle parfaitement anecdotique (Peter Jackson nous a montré tellement mieux récemment) qui nous est expédiée en quinze secondes chrono dans cette resucée malheureuse pour se convaincre qu’on est loin du compte. Rien ici ne peut prétendre à faire date.
Et pourtant, sans ce déferlement de mièvrerie et d’approximation, Angelina Jolie aurait pu incarner une excellente Maleficent. Loin de se renouveler dans le rôle de femme vénéneuse, elle parvient néanmoins à arracher sans trop d’efforts quelques rires lors de ses répliques les plus vachardes. C’est maigre, mais c’est une performance dans une telle confusion sans âme et sans émotions…
petsss
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