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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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It's all about love
/ 2003
02.07.03
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QUE MON COEUR LACHE
"- Il y a un mort devant nous.
- Enjambez-le."
Il y a toujours une forme de trahison quand un cinéaste, qui a su vous appâter avec ses premiers films, vous envoie dans le décor sans explication. Quand Thomas Vinterberg mettait un an pour faire ses films, cela donnait des oeuvres fulgurantes, passionnées, vivaces, dures et façonnées par un désir absolu de liberté.
Tout le contraire de It’s all about love. Le film semble hybride jusqu’au bout, ne sachant pas choisir entre ses genres : thriller, love story, road movie, ... Il se perd dans les méandres de ses réflexions, allégories et autres inepties insipides concernant l’amour. Dès le début, cela ne fonctionne pas : tout est factice. L’incommunicabilité des êtres, la solitude tant pointée du doigt, cette distance entre les humains si critiquée qui devient le principal handicap des comédiens ne sachant pas comment se toucher, se regarder, se parler. Voilà qui est embarrassant.
Largués, nous le sommes. De dérèglements climatiques en complot économique, de clonage en discours mystico-surréaliste, le film déroute le spectateur et dévie de sa trajectoire. A force de tout compliquer inutilement, nous en oublions le simplisme de l’histoire (quand vous n’êtes pas amoureux, votre coeur s’arrête...). Le morcellement du scénario rend difficile l’immersion dans le sujet essentiel, l’histoire du couple.
Cette dilution des sentiments nous noie dans un ennui mortel. Nous devrions être dans un état de grâce, et nous voici dans un état de pesanteur. Un film pseudo-hitchockien et pseudo-lynchien. Tellement pseudo d’ailleurs, qu’il n’a plus d’identité propre. Il en a plutôt les prétentions.
Il est étonnant surtout que Vinterberg est à ce point renié son cinéma. On a pourtant quelques espérances dans les fugitives fugues qui donnent un peu d’air. Mais le reste du film est immobile. Ecrasé par le temps. Etouffé. Si le jeune Danois voulait faire un film sur l’emprisonnement, l’oppression, le harcèlement, la quête impossible d’amour, alors It’s all about love en est la plus (im)parfaite illustration. Jamais, hélas, il ne transcende son sujet pour l’envoyer ailleurs que dans son paradis blanc final.
Pourtant, il y a quelques idées fascinantes : ces trois clones qui s’approchent du modèle original est inquiétant... d’ailleurs toute la morbidité qui se dégage séduit davantage que les scènes soi disant poétiques et romantiques. La séquence qui glace le sang (l’assassinat à la patinoire) est particulièrement représentative du film : une forte idée de cinéma, proprement cinégénique, qui en devient complètement spoliée par un manque de synchronisation entre les différentes personnes et de mauvais axes de caméra. Pourtant le film est très bien cadré, très bien photographié. Techniquement, il n’y a rien à dire : c’est du travail plus que soigné. Mais It’s all about love aurait mérité de sortir du réel ou de s’y ancrer, de plonger dans les beaux yeux de Claire Danes ou de s’attacher à cet innocent Joaquin Phoenix. A trop réviser les codes grammaticaux, le réalisateur en a perdu son latin et les observateurs que nous sommes tentent de décoder les innombrables signes et symboles un peu vains.
Pourquoi Vinterberg, pour parler de ses thèmes chéris comme la famille, a-t-il eu besoin de se disperser dans un scénario si rocambolesque, dans des clichés compilés si grotesques ? Son désir de cinéma, on le sent, il se voit. Mais clairement, It’s all about love n’est pas son cinéma. Nous préférons quand il réchauffe les coeurs, plutôt que lorsque il nous glace le sang. vincy
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