Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Coldwater


USA / 2013

09.07.2014
 



LES VACHES ET LE PRISONNIER





"Vous êtes ici car vous déconnez. On va changer ça."

La séquence d’ouverture de Coldwater condense à elle seule toutes les émotions par lesquelles nous fait passer le film : surprise, révolte, angoisse, colère... Immédiatement, en quelques plans sans dialogues, se révèle en effet toute l’âpreté d’un scénario qui ne laisse pas de place aux fioritures. Avec son montage cut, ses scènes courtes et sa musique lancinante, ce premier film choc évite à peu près tous les écueils : mélodrame, complaisance, outrances, angélisme… Vincent Grashaw a travaillé si longtemps sur son projet qu’il semble avoir supprimé tout ce qui était superflu pour ne garder que l’énergie et l’épure d’un récit tout en force. La gradation dans l’horreur (d’abord très diffuse, puis de plus en plus palpable) fait l’effet d’un uppercut qui sonne le spectateur avant de le laisser KO. Ames sensibles, s’abstenir. Non pas que le cinéaste mêle le gore aux autres genres déjà convoqués (film de prison, thriller, film engagé, teenage movie…), mais la violence psychologique qu’il distille de bout en bout finit par être purement insupportable.

Seuls havres de paix, les flashbacks réguliers qui racontent l’existence de Brad avant son incarcération. Il s’agit à la fois de la seule fenêtre sur le monde réel (c’est-à-dire en dehors du camp) et du seul lieu où le personnage peut se réfugier, au moins en pensées. C’est aussi un excellent moyen pour le cinéaste de ménager ses effets, en révélant peu à peu aux spectateurs pourquoi le jeune homme a été arrêté. Sans pathos, le cinéaste aborde la question de la culpabilité, du deuil et du choix de prendre ses responsabilités ou de les abdiquer. Dans ces séquences, il embrasse le point de vue de son héros (la révélation P.J. Boudousqué, quasi sosie de Ryan Gosling à la présence magnétique), comme pour mettre en perspective les délits qu’il a commis avec la punition qui lui est infligée, mais aussi avec son jeune âge et les circonstances qui l’ont conduit face à la justice. Chaque flash-back est ainsi comme un élément supplémentaire dans l’argumentaire implacable de Vincent Grashaw contre ces camps de redressement pour mineurs en forme de zones de non droit.

Construit comme un diptyque, Coldwater se présente d’abord comme un film de prison qui a pour originalité de se dérouler au grand air, dans de vastes espaces qui rendent risquée toute tentative d’évasion : peut-être n’y a-t-il pas de miradors prêts à éliminer les fuyards, mais le désert environnant n’est guère plus clément. Comme quoi un huis-clos au soleil peut finalement être aussi oppressant que dans l’espace confiné d’une cellule. D’autant que ce décor somptueux tranche avec les événements brutaux qui s’y déroulent : brimades incessantes, violences corporelles, humiliations gratuites… Il règne dans le camp un climat d’arbitraire rappelant les pires systèmes concentrationnaires de l’histoire. Le sadisme du personnel encadrant (souvent d'anciens pensionnaires qui se sont recyclés) et le sentiment d'impunité qui les anime semblent même outrés, jusqu'au moment où l'on découvre que le réalisateur a volontairement choisi d'édulcorer le propos, en n'intégrant pas à son scénario les sévices les plus graves, notamment des abus sexuels, qui lui avaient été rapportés.

Il souhaitait en effet équilibrer la violence des faits avec des ressorts propres au cinéma de divertissement comme le suspense ou les rebondissements spectaculaires. La deuxième partie du film est ainsi plus globalement pensée comme un thriller haletant avec fausses pistes et dénouement en plusieurs étapes. Le mélange des genres est parfois un pari risqué, mais ici la cohabitation d'un thème éminemment politique avec la recherche d'un vrai divertissement évite au film la tentation du pathos. Au contraire, les codes du thriller et la critique sociale se renforcent l’un l’autre pour donner une œuvre entière, trépidante et captivante, qui livre un message éminemment politique sans jamais tomber dans le didactisme. Si un film peut parfois contribuer à faire évoluer la société, Coldwater est indéniablement de ceux-là.
 
MpM

 
 
 
 

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