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Les vieux baroudeurs sont désormais bien fatigués. À tel point que l’on se demande vraiment si la mise en chantier de ce troisième opus en valait la peine. Non pas que cet épisode, réalisé par l’australien Patrick Hughes, soit foncièrement raté ou, à titre de comparaison, plus mauvais que les deux premiers longs-métrages de la trilogie. Ce qui lâche, ou qui fâche, ne vient pas de cette débauche pyrotechnique à l’ancienne, portée par d’anciennes têtes d’affiche devenues bien trop nombreuses pour y être efficace cinématographiquement parlant, mais d’une perte rédhibitoire de crédibilité, l’âme de ces Expendables se noyant dans la complaisance d’un marketing choral pour un film visible par presque toute la famille (PG-13 oblige).
Car, il ne faut pas s’en cacher, le concept old school d’une bande de bad guys tout droit sortie des années 80-90 s'auto-parodiant dans un délire lui-même auto référentiel (fallait y penser), ne pouvait supporter plus longtemps les raisons d’un premier film sincère, convaincant, d’une star (Stallone) en pleine rédemption cinématographique avec Rocky Balboa (2006) et John Rambo (2008). À ce titre, suivre les aventures "anachroniques" de ces joyeux lascars dans un monde dominé par le 2.0, les CGI et les super-héros en costumes avait – nous insistons sur le avait – quelque chose de fascinant. L’intérêt d’une telle entreprise, au-delà des figures de Stallone, Statham, Jet Li ou encore JCVD, aussi. Mais pourquoi, diable, avoir affublé ce troisième opus d’une idée, source de contresens, à l’existence même des Expendables en osant perturber le bon fonctionnement de cette alchimie entre l’action proposée et la nostalgie incarnée par ceux qui la commettent ?
Renouveler, le temps de quelques bobines, l’équipe souche par une bande de jeunes loups très (trop ?) vite dépassés par les événements, n’a, ici, aucun intérêt, si ce n’est celui d’un mauvais prétexte scénaristique pour nous rappeler que les vrais Expendables sont forcément rouillés, usés, rafistolés, remplis de cette épaisseur du temps qui vous marque mais n’altère pas nécessairement vos aptitudes guerrières. Oui, ces gars-là sont issus d’une époque passée, même si pas si lointaine. L’entorse s’insinue maladroitement, casse le rythme, n’apporte rien à l’imagerie du film de Stallone et, pire que tout, le tire vers un spectacle jamais badass. Les papys maternent à coups de vieilles blagues, flinguent à tout va, certes, mais se laissent happer par l’inconsistance d’un projet qui n’arrive plus à générer la sincérité crépusculaire du premier opus.
Bouffé à la fois par sa vitrine "à stars" qui, au mieux, cabotinent (il faut voir le numéro affolant d’Antonio Banderas dont on se demande ce qu’il fout là) et, au pire, font de la figuration (Schwarzy, en dix plans, prononce trois phrases et fume le cigare pour avoir l’air…), il ne reste que Mel Gibson pour plonger le film vers les abysses attendus. Le paria d’Hollywood s’en donne à cœur joie et insuffle au film un vent de folie, yeux exorbités, voix rauque en diable. Pour le coup, lui, est raccord.
Geoffroy
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