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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Near Death Experience
France / 2014
10.09.2014
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IL S’EN VA
« Quand on vieillit, c’est un peu égoïste d’exister. On n’apporte plus rien à l’économie de marché. On pollue ».
Comme toujours chez Kervern et Delépine, leur nouveau film est un hymne à la liberté (individuelle) et à la résistance (contre une collectivité écrasante). Near Death Experience se distingue pourtant par son absence de joie ou d’optimisme par rapport à leurs précédents films. Sombre, leur film oublie d’être rock, folk ou punk pour nous imposer un slam nihiliste.
Dernier « barré » en date à surgir dans leur univers, l’écrivain Michel Houellebecq (en tenue de cycliste). Après Yolande Moreau en syndicaliste, Depardieu en mobylette, Poelvoorde et Dupontel en marginaux, voici donc un Goncourt perdu dans la montagne, voulant mourir, à l’écart du monde, comme les éléphants et les félins. Errance solitaire où l’acteur soliloque et tire un bilan existentialiste qui donnerait des envies de suicides à un bouddhiste béat.
Pourtant ce n’est pas cette noirceur qui nous détache rapidement de ce film, qui fourmille pourtant de bonnes idées, à défaut d’inventivité. Le générique de fin, au début et dans le sens hiérarchique inversé (des remerciements à l’acteur principal), ce poème de Charles Baudelaire (Elévation) en voix off sur le plan final, ces statues primitives qui représentent la famille de cet homme en bout de course, seul. Et surtout, hormis deux personnages dans le dernier tiers du film, aucun n’a de visages : juste des hanches, des torses, des mollets et des pieds. Ce parti pris du cadrage accentue le focus sur le personnage central, dans son mode, ne se souciant même pas d’une alerte permanente (et agaçante) émise par sa voiture.
Quand Houellebecq fuit Groland (JT exquis), on espère une épopée nomade façon Elle s’en va. Mais peu de rencontres hormis un retour à l’enfance (judicieux hommage à Peter Pan). Les autres ne sont que des parasites. L’enfer. De là à se foutre en l’air, il n’y a qu’un pas, ou qu’un saut. Mais jamais le film ne laisse place à une tension ou un suspens. Les monologues forment les séquences. L’écrivain balance sa philosophie (avec talent). Et l’ennui nous gagne… La voix off du récit nous met à distance. La pensée, bien mieux travaillée cinématographiquement dans L’enlèvement de Michel Houellebecq, nous assomme. Malgré sa justesse, elle nous plombe.
« Comment voulez-vous affronter la vie quand vous avez peur d’une botte en caoutchouc ? ». Les angoisses sous ce cagnard provençal font l’effet d’une surdose de pastis au soleil. L’aliénation du monde n’aboutit à rien. « Trop plein (de rien), trop vide (de rien) », le film, à l’instar du personnage, s’effondre. La fragilité de l’homme incarné par Houellebecq est touchante. Mais elle se désagrège devant nous, impuissants. Comme un Mammouth en voie de fossilisation, à la veille d’un petit soir.
Le drame, heureusement, est ponctué de quelques délires (sur fond de musique classique). Une sorte d’Ovni qui en fait un Weerasethakul provençal. La lucidité du propos (« J’ai 56 ans et je suis obsolète ») réjouit. Mais cette clairvoyance est trop didactique pour nous interpeller. La critique de la société (de compétitivité) est raide, mais convenue. On comprend bien le rejet de ce monde jeuniste et moderne mais pour une fois les réalisateurs semblent désemparés et sans solutions, sans espoirs. Comme leur personnage, on ressent leur extrême lassitude. Pré-mortem animal triste.
Near Death experience est une échappée belle testamentaire, le monologue d’un suicidaire, seul en scène. Le vieil homme et la montagne. S’il reconnaît que "la vie doit être enivrante", le film ne l’est pas. Le retour à l’homme sauvage mène surtout à l’impossibilité de se voir vieillir dans un monde qui le dépasse. Les bonnes idées et les réflexions intéressantes sur cet échec de l’évolution méritait sans doute autre chose qu’un film expérimental livré à lui-même.
Les réalisateurs n’ont pas su choisir entre des métaphores habiles (une partie de bulles entre deux néants) et des déclamations plus littéraires que cinématographiques. L’humour est invisible, un comble pour eux. Mais avec un homme qui ne se plaît pas, qui parle avec un ange nommé Endorphine, qui danse le rock ou parle à un monticule de pierres (sa femme), le spectateur ne peut être que déconcerté. Reste le final, furtif, un spleen aussi romantique qu’aérien. « Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ». Car avec Baudelaire, on touche au sublime. C’est ce qui dérange dans ce film : on attendait cette élévation. Elle n’arrive que trop tardivement : « Derrière les ennuis et les vastes chagrins, Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse, Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse, S'élancer vers les champs lumineux et sereins. » Un écran de cinéma ?
vincy
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