Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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3 coeurs


France / 2014

17.09.2014
 



QUE NOS CŒURS LÂCHENT





«- J’ai raté mon train. Je rate souvent mon train. Et en plus j’ai perdu mon portable. C’est pas ma soirée. »

Sous ses apparences de mélodrame classique, 3 cœurs est surtout un très beau film romantique, à la fois touchant et tragique, romanesque et intime. Deux sœurs, un homme, trois possibilités : la relation fusionnelle entre les deux sœurs et celle affectueuse de chacune d’entre elle et de cet homme. Trois cœurs entremêlés, imbriqués dans un destin facétieux. Trois cœurs fragiles aussi, soumis à ses pulsations, qui peuvent être fatales.

Benoît Jacquot réalise un thriller sentimental surprenant et brillant avec, au cœur, un trio de personnages aussi banals qu’attachants. En invitant le spectateur à en savoir plus que les personnages, le scénario nous piège. Nous sommes contraints d’attendre les révélations et leurs déflagrations. Malicieusement, pourtant, tout se fera progressivement. Le film laisse le temps aux personnages de découvrir l’effroyable vérité, par petites touches, virtuellement - ce qui accentue l’horreur du moment. En trois temps (une photo dans un escalier, une webcam sur Skype, un coup de téléphone), chacun va se figer devant un visage ou une voix inattendus.

Pourtant, on ne se doute jamais d’où viendra le coup. Le réalisateur réussit même à nous inquiéter des conséquences dramatiques de ces histoires d’amour sororales et amoureuses.
En transformant cette histoire de triangle amoureux en film à suspens, Benoît Jacquot reconvertit le simple drame humain en dilemme psychologique tortueux. Chacun des personnage porte ses névroses : le besoin d’être rassuré, aimé, la solitude, l’envie d’un confort familial, l’aspiration au calme. Bref, chacun veut que son cœur palpite fort mais qu’il soit également apaisé. Ces contradictions fondent le caractère de chacun des protagonistes, protégés par les silences, les non-dits et la mère (Deneuve, cuisinière croyant que la nourriture peut tout soigner).

Car si la vérité éclate, l’un des trois mourra. Et c’est avec cette menace qui assombrit toute l’œuvre, que le récit se déroule, de manière très fluide, avec sa succession de scènes du quotidien (diners, travail, …). Car Jacquot a le mérite de ne pas plomber son film dramatiquement. Il ose même quelques ruptures de ton (surgissement de la voix off), qui soulignent le changement de vie, le temps qui passe. Il y a une légèreté bienveillante, un bonheur simple qui traverse toutes les séquences. Pourtant, de la rencontre hasardeuse, nocturne et passionnelle entre deux âmes égarées, rien ne pouvait dessiner la tragédie qui allait suivre. Un seul être vous manque et tout est bousculé.

L’intimité bouleversante, la vulnérabilité des êtres, la tranquillité provinciale, la sensibilité de l’ensemble s’opposent ainsi au stress permanent d’une divulgation destructrice, soutenue par une musique volontairement dramatique, presque « policière ». Déchirements intérieurs, tristesses intenses : il fallait pour ces trois cœurs, un trio d’acteur accordé à la perfection. Benoît Poelvoorde prouve une fois de plus son immense talent en homme dépressif et séducteur. Il donne le « la » sans fausse note. Il est facile de comprendre pourquoi deux femmes sont prêtes à rompre avec leur mec pour vivre l’aventure de leur vie avec lui. Merveilleuse idée de réunir Charlotte Gainsbourg, fille de Serge et Jane, et Chiara Mastroianni (magnifique), fille de Catherine et Marcello : les volutes de Havane et les airs des sixties planent sur elles. Leur alchimie renforce le drame cornélien.

La mise en scène gracieuse et sans accros équilibre ainsi l’absence comme la présence (parfois fantomatique), le bonheur et le malheur, les cœurs fuyants et les regards attirés, les amours brisés et les joies fugaces. Le film est en permanence sous tension, oscillant entre le yin et le yang. Et, en trois actes, Benoît Jacquot nous amène désarmés dans une impasse où personne ne peut en ressortir vivant. Les cœurs vont saigner. Et celui du spectateur va s’arrêter devant la scène finale d’une froideur rare, nous laissant suspendu à ce dernier coup d’éclat où rien n’est dit, tout est suggéré. L’émotion nous saisit. 3 cœurs nous pique à vif.
 
vincy

 
 
 
 

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