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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Un homme très recherché (A Most Wanted Man)
USA / 2014
17.09.2014
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UN ACTEUR TRÈS REGRETTÉ
"Nous savons tous ce que l'on apprend aux enfants, ceux que l'on violente se feront violent", W.H.Auden. Voilà comment Ridley Scott ouvrait son film d’espionnage anti-terrorisme Mensonges d'Etat. Anton Corbijn ouvre le sien avec un homme tout crasseux en fuite. Ce n'est pas forcément plus stimulant. Un homme très recherché est une pâle copie du film de Ridley Scott de 2008 et de nombreux films du genre qui ont envahit les écrans depuis le 11 septembre 2001, s'interrogeant sur les limites liberticides d'une sécurité obsessionnelle (Spy Game, La vengeance dans la peau, Syriana, Salt, Piégée...) . On est loin de La taupe (adapté de John Le Carré, comme cet Homme très recherché), avec qui le film a un protagoniste en commun, George Smiley.
Alors où est passé la patte du réalisateur? Cette histoire avait tout pour lui plaire : un marginal au sein d'un contexte qui le dépasse. Un homme solitaire, musulman et sans emploi devient la proie des services gouvernementales qui voit en lui un terroriste et, faute de preuve, un appât pour en attirer. Il répond trop précisément aux stéréotypes médiatiques pour qu'on le laisse tranquille. Du coup, l'innocent à la mort aux trousses au nom d'un idéal : tuer le mal dans l'oeuf.
Avec un matériau comme le livre de Le Carré, parfait prototype de l'évolution des services secrets occidentaux après l'attentat du World Trade Center, des personnages toujours très ambivalents et un sujet qui interpellerait n'importe quel citoyen conscient qu'on bafoue sa liberté Loi après Loi anti-terroriste, le cinéaste pouvait livrer au mieux un reportage passionnant sur notre époque, au pire un honnête thriller. Trop de bla bla, peu d'action, on finit vite par piquer du nez. Les personnages sont peu attachants. Habituellement sublime, Rachel McAdams semble effacée et apparaît peu crédible en avocate tendance jolie jeune fille en fleur. Seule la prestation de Philip Seymour Hoffman nous pousse à regarder avec attention le spectacle. Monstre sacré, il s'impose rapidement comme le pivot de ce film, charismatique, silencieux, intériorisant ses doutes et crachant ses col!res. Il est un caméléon ambigüe, un parfait comédien dans cette tragédie humaine, c'est-à-dire celui qui ne révèle jamais son vrai visage derrière le masque, celui qui cache son jeu pour mieux nous bluffer.
Anton Corbijn est en fait coupable de ne pas avoir su s'approprier le livre et le style de John Le Carré. L'oeuvre est trop classique, trop banale pour se démarquer. Il aurait sans doute fallu, dès l'écriture, explorer les zones d'ombres et les éclats de lumière qui traversent les romans d'espionnage du maître. Stylistiquement, il n'y a aucune recherche particulière qui aurait permit au film de comprendre que les hommes ne sont manipulés que par leurs obsessions et leurs trahisons. Le réalisateur a fait le choix de se laisser dévorer par son comédien principal, qui mène la danse, domine chaque plan et nous fait regretter sa disparition récente. cynthia
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