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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Elle l’adore
France / 2014
24.09.2014
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LA FAN
Muriel est une maman de deux jeunes enfants, elle travaille comme esthéticienne, elle aime bien raconter des histoires fantasques, et surtout elle est très fan du chanteur Vincent Lacroix. Une vraie groupie comme le chantait Michel Berger : "Amoureuse d'un égoïste / La groupie du pianiste / Elle fout toute sa vie en l'air / Et toute sa vie c'est pas grand chose".
Lui il prépare le lancement de son nouveau disque, il aime se détendre en jouant au poker avec ses potes, sa femme se dispute de plus en plus avec lui jusqu’à un accident tragique. Surtout ne pas se faire accuser. Il a besoin que le corps de sa femme disparaisse, et il va demander à une fan de la faire pour lui. Alors que Muriel avait l’habitude d’être face à la scène de son idole, voila que c’est lui qui arrive devant sa porte…
Elle l’adore est une comédie qui prend le prétexte d’une intrigue policière pour faire se rencontrer et se confronter deux personnages qui se regardaient toujours à distance, avec admiration ou indifférence. La réalisatrice Jeanne Herry signe un scénario malin et un premier film qui fait mouche pour le meilleur et pour le rire. On imagine une influence diffuse de sa famille: son père est le chanteur Julien Clerc, sa mère est l’actrice Miou-Miou. Kiberlain pourrait être une cousine plus jeune de la comédienne. La réalisatrice a évité le pire des comédies de mœurs paresseuses (au hasard Barbecue) pour viser une comédie de meurtre ambitieuse.
Pourtant au début du film le spectateur se dit que ce n’est pas gagné : une exposition rapide des personnages (Muriel une esthéticienne, Vincent le chanteur), l’accident, et la rencontre avec l’étrange proposition d’emmener quelque chose loin dans le coffre d’une voiture… On flirte avec une parodie de L'inconnu du Nord-Express. Les scènes de dialogues entre Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte sont plutôt banales. Il va falloir la révélation d'un évènement improbable pour que la machine se mette véritablement en route. Le chanteur avait un plan simple, mais la fan a agit de manière différente. Et le corps qui devait rester pour toujours disparu a été retrouvé… Dès lors le film développe un peu plus son côté thriller, tout en dévoilant une comédie plus subtile. L’enquête des policiers progresse et se rapproche du chanteur mais aussi de la fan.
Accusée Kiberlain, levez-vous!
Sandrine Kiberlain est presque le contraire d’une actrice caméléon. Elle ne semble pas vraiment jouer un personnage autre que le sien, dans les comédies. D’un film à l’autre, son personnage s’efface derrière sa personnalité. En quelques années, elle est devenue l'une des rares comédiennes à imposer son allure, sa dérision, son charme au service d'un comique qui lui est propre, à la manière d'un Boon, d'un Dupontel ou d'une Marceau. Dans Tip Top on voyait une policière qui ressemblait à Sandrine Kiberlain, dans Neuf mois ferme même la robe d’une juge déguisait à peine Sandrine Kiberlain, dans Elle l’adore on a du mal à la voir ‘vraiment’ fan d’un chanteur et on regarde encore Sandrine Kiberlain. Alors que d’autres s’imprègnent de leur rôle à travers un costume, une gestuelle, un débit de parole, n’importe quelle particularité, de manière étrange, Sandrine Kiberlain est l’une de ces actrices qui est presque toujours la même à l’écran. Et mystérieusement, ça fonctionne. Ses (beaux) yeux malicieux d’une gamine dans un corps de femme, sa (fausse) candeur lunaire sur un visage solaire fait de Sandrine Kiberlain une actrice en décalage avec ses partenaires à l’image (qui eux sont bien dans leurs personnages). Comme elle est un peu avec et un peu en dehors, sa présence est d’autant plus étrange, remarquée, et remarquable. La carte maîtresse qui fait de ce film Elle l’adore une attachante comédie s'appelle donc Sandrine Kiberlain. Le scénario semble presque avoir été écrit pour elle. Les autres personnages en souffrent, moins bien développés: une histoire d’infidélité maladroite pour les policiers Pascal Demolon et Olivia Côte, Laurent Lafitte fait le job pour ce qui est de la lâcheté sournoise, mais il est moins crédible en vedette de la chanson.
Le spectateur est dans la position de celui qui sait ce qui s’est passé contrairement à la police, et on s’amuse de voir comment lui et elle pourraient s’en sortir. Le chanteur craint d’être trahi par sa fan alors que elle-même est trahie par son idole. Commence un jeu du chat et de la souris pendant que la police trouve de plus en plus d’indices de leur complicité. Les différentes séquences d’interrogatoire où les policiers posent leurs questions très précises face à la fan dont les réponses sont surprenantes resteront en mémoire.
Paradoxalement, le film s'intitule Elle l'adore, et le spectateur en sort avec un autre titre en tête : On l'adore, en repensant à Sandrine.
Kristofy
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