Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Equalizer (The Equalizer)


USA / 2014

01.10.2014
 



LE SOLITAIRE

Le livre Bye Bye Bahia



« Il ne voulait pas le feu vert. Il voulait la permission. »

Denzel Washington est peut-être l’une des stars les plus fascinantes d’Hollywood. Comme Tom Cruise, il aime être seul sur l’affiche, le héros, avec sa face sombre, prêt à en découdre contre les pourris, au nom d’une morale assez binaire le plus souvent. Il ne cherche pas, à quelques exceptions près comme 2 Guns, American Gangsters ou L’affaire Pélican à se confronter à d’autres stars. Cela lui réussit plutôt bien : même si aucun de ses films n’a dépassé les 200 millions de $ au box office nord-américain, il réalise à chaque fois, depuis dix ans, un démarrage entre 20 et 40 millions de $. Washington est un des rares comédiens réellement bankable, une valeur sûre pour les studios.

En cela, et The Equalizer renforce cette analyse, il se rapproche de la carrière de Jean-Paul Belmondo (période années 70-80). Un pitch, une star. C’est le concept. Au point de retrouver Peur sur la ville dans The Taking of Pelham 1 2 3, Le Professionnel dans The Manchurian Candidate, et ici Le Solitaire. Les personnages héroïques incarnés par les deux comédiens portent une certaine ambiguïté. Mais là où Bébel aimait joué avec son côté pourri, affranchi, franc-tireur, Washington, en bon chrétien, opte davantage pour un rôle façon Dirty Harry, en justicier sans pitié.

Dans The Equalizer, il ajoute une tonalité nouvelle : la courtoisie. Diplomate et sensible, presque boy scout, son personnage joue sur le mystère de son passé (qu’on devine cependant dès sa première action de « bravoure ») et sur le choix que chacun peut faire : revenir dans le droit chemin ou persévérer dans l’axe du mal. En fonction, il laisse la vie sauve ou il tue. Homme sans passé et juge suprême, il a beau accusé un peu son âge (il met 28 secondes au lieu de 16 secondes pour tuer 5 salauds), il massacre aisément les forces vives de la mafia russe avec malice et tactique. On le sent tellement invincible qu’on ne croit pas un instant aux périls qui pourraient menacer sa vie. Adapté d’une série TV, The Equalizer en a gardé le précepte fondamental : le héros ne peut pas mourir, ni ses protégés.

Cela tue tout suspens, toute tension. Antoine Fuqua doit donc trouver des astuces pour nous captiver. Une atmosphère, qu’il prend le temps d’installer, et une ultra-violence fulgurante et presque gore (deux séquences, dont un final assez long très « vintage »), pour nous stimuler le rythme cardiaque. Cette « économie » de moyens est louable. Cela évite la surenchère habituelle des films hollywoodiens, et nous fait revenir aux films policiers des seventies (avec musique très eighties), période Bébel/Eastwood donc, où le personnage était le pivot du scénario.

Thriller efficace, sans style particulier, cette guerre contre les corrompus aurait sans doute mérité un travail plus ambitieux au niveau artistique. A cause des ralentis et effets visuels à la Michael Bay, Fuqua gâche un peu l’ensemble avec des artifices « dans l’air du temps » et déjà un peu désuets.

C’est d’autant plus regrettable que le script a ses qualités. Il ne manque pas d’humour (dialogues comme situations) et de stéréotypes drôles (le sociopathe russe, la jeune pute, le collègue latino). The Equalizer, paradoxalement, nous séduit davantage dans cet aspect décalé, y compris dans ses ellipses réjouissantes où l’on devine le crime que le justicier a commis sans en avoir rien vu. En se focalisant sur deux séquences d’atrocités, le cinéaste a sans doute considéré que cela suffisait (à juste titre) pour comprendre la force et expliquer le passé du personnage. Et là, il faut en effet un Denzel Washington pour nous habiter l’écran. A certains moments, l’acteur pourrait être confondu avec Forrest Whitaker. Même allure, même tranquillité, même dureté. Un Ghost Dog de série B. Un de ces fantômes revenus des morts et qui passe dans le paysage pour régler quelques comptes dans ce monde pourri. Le spectre d’un film incarné, un peu daté, pas désagréable, qui réapparaît dans un univers de super-héros en images de synthèses.
 
vincy

 
 
 
 

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