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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le garçon et le monde (O menino e o mundo)
/ 2014
08.10.2014
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LE CYCLE DE LA VIE
Et l’on revient aux origines du dessin. Oubliez les images de synthèse, les effets 3D, les expressions plus humaines que celles des humains. Le garçon et le monde est un coup de crayon fulgurant, qui s’amuse de jeux kaléidoscopiques à partir d’un simple trait, préférant une illustration épurée, symbolique où le figuratif est plus abstrait que réaliste. Mais justement parce qu’il n’y a pas de place pour le superflu, il ne reste que l’essentiel. Le film balance entre dessin naïf et envolées impressionnistes. Même si l’oeuvre est muette, le son fait le reste jusqu’à nous faire interpréter l’image.
Inutile de dire qu’il s’agit d’une pierre précieuse dans le domaine de l’animation contemporaine. D’autant que le film ne s’empêche pas d’être inventif et ludique. Visuellement, cela donne un train qui fume serpentant vers l’horizon, un ciel poché ou des métropoles occidentales aériennes et dans leurs bulles. Le monde matérialiste résulte de collages de photos et de publicités de magazines. Le décor peut disparaître pour accentuer la solitude.
Fable sociale et écologique
Pourtant Le garçon et le monde est un film engagé. Loin d’être une simple fable écologique, il est avant tout une critique du système économique actuel. L’exode rural, l’asservissement humain, la mondialisation des échanges. La chaîne économique qu’il dessine est effarante pour l’empreinte écologique. La destruction du monde est programmée (des images réelles de déforestation et de pollution des eaux nous sortent de nos rêves colorés). Du coton produit dans le pays du garçon, qui devient tissu dans une usine où l’ouvrier est remplacé par des machines, pour être transporté par containers dans un pays occidental où il est transformé en vêtement, et revendu ensuite dans le pays d’où provient le coton. On constate la précarité des travailleurs, les rêves fabriqués par la publicité, le pouvoir dictatorial qui s’impose aux citoyens préférant faire la fête. Ce combat pour la liberté est sublimé dans un duel entre Phénix chatoyant et un corbeau noir magnifique. L’allégorie est belle mais le destin est sombre.
L’odyssée spirituelle du garçon et sa mise en abyme
Cependant, c’est bien dans l’idée du temps qui passe que le film d’Alê Abreu s’enrichit d’une seconde lecture. Il s’agit bien de destinée dans cette odyssée d’un garçon en quête de son père. L’histoire, sans qu’on le sache, se déroule sur plusieurs décennies. Le récit, on le découvrira au final, n’est pas à l’endroit. Et pour compliquer l’ensemble, les gens qu’il croise ne sont pas ceux que l’on croit. La surprise finale permet de revoir tout le film d’une manière différente. Le spectateur ne comprend la réalité des faits et de la chronologie que dans l’épilogue.
Cette astuce scénaristique (et visuelle, par conséquent) émerveille autant qu’elle épate. Le vagabondage initiatique se mue en chronique voyageuse. Au passage, la fable sociale et la satire politique auront planté leurs griffes dans l’existence du garçon, qui perdra un peu de son insouciance.
Malgré cette noirceur sous-jascente, l’œuvre parvient à garder sa dimension poétique tout du long. Il y a un regard bienveillant posé en permanence sur le désenchantement vincy
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