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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Samba
France / 2014
15.10.2014
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DÉRAILLEMENTS
Il ne s’agit pas de comparer un film comme Intouchables, qui au-delà du phénomène public, disposait de qualités cinématographiques indéniables. Samba joue sa partition sur un registre complètement différent. L’écriture reste soignée. Le jeu des comédiens ne souffre d’aucun reproche. L’image est élégante.
Pourtant, nous ne pouvons qu’être déçus. La déception est souvent proportionnelle à l’attente. Mais il n’y a là aucune attente particulière. Le tandem Nakache/Toledano a creusé son sillon depuis des années et leur cinéma se repose sur des contraires qui se marient et des joies à conquérir.
Samba ne fait pas exception. Mais on reste étonné de la dimension dramatique du film. L’aspect « comique » est effacé. Il y a un peu de burlesque, des malentendus amusants, des échanges maladroits qui font sourire. Ils savent insuffler une forme de légèreté, une aération salutaire pour ne pas plomber leur film dans un drame romantique et social. Mais les rires ne fuseront pas. Romantique et social, le film l’est. L’histoire d’amour entre Omar Sy (qui révèle une palette de jeu assez large) et Charlotte Gainsbourg (toujours sur le fil, étonnante lors de ses pétages de plombs, drôle malgré elle), deux paumés égarés qui s’accrochent l’un à l’autre pour ne pas se noyer, fonctionne bien. Le regard posé sur la société sonne juste.
Mais, et c’est un comble, Samba manque de rythme. A se faire plaisir sur les images, à vouloir créer absolument la scène marquante ou une atmosphère, à trop vouloir en dire et pas assez suggérer, à multiplier les histoires secondaires, mal emboîtées entre elles parfois, le film se perd dans des dédales de scénettes inégales et de longues séquences plus maîtrisées. On attend la vanne qui ne vient pas, le gag, qui ne surgit jamais. Seul le récit, pas déplaisant, se déroule mécaniquement, avec plus ou moins d’intérêt.
Samba manque aussi de puissance. Un paradoxe quand on voit le potentiel émotionnel qu’il détenait. Trop calme, le drame est sauvé par les personnages secondaires qui réveillent rapidement le spectateur. Omar Sy et Charlotte Gainsbourg ne sont pas là pour nous divertir mais pour se (re)construire. Et on comprend bien les limites du film avec deux acteurs de leur trempe. Ils dévorent chaque plan, habitent leur personnage.
Mais en refusant toute satire, ils ont pris le risque de faire un film trop réaliste. Omar Sy délivre une très jolie performance, mais en retenant (contenant ?) son énergie, il donne la tonalité mélancolique de tout le film, ne lâchant jamais la bride.
Et c’est sans doute le but: aucun des personnages ne se sent rassuré ou libre, bien dans ses pompes ou décidé. Dans un monde où l’on nous vante et vend en permanence qu’il faut réussir sa vie, au moins leur film démontre qu’une vie n’a rien de simple, qu’elle peut être passionnante et périlleuse. Qu’on peut nous la voler aussi.
Dans un Paris où les immeubles insalubres et les gratte-ciels modernes, les appartements bourgeois et les lieux de travail pas forcément séduisant coexistent, il y a cette volonté de montrer que tout communique, que le vivre ensemble est donc possible dès lors qu’on détruit une cloison ou qu’on brise un plafond de verre. Etrangement, Nakache et Tolédano ont réalisé un film profond, intelligent : mais le plaisir reste en surface. Comme si l’emballage suffisait alors que la richesse de leur scénario se trouve dessous.
C’est sans aucun doute leur film le plus complexe, mixant la comédie, le drame, la tragédie, le documentaire, la romance, le social. Ce n’est pas forcément très équilibré. A l'instar des personnages, le scénario manque souvent de dérailler. On manque parfois de vaciller dans le vide. Et à chaque fois c’est Samba, le personnage, qui sauve Samba, le film. Comme si, sans esbroufe, le film se laisser aller à une capitulation face à sa star.
vincy
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