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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Je suis né d'une cigogne
France / 1999
24.11.99
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ON THE ROAD AGAIN
"- Ils nous aiment pas. On n'est pas chez nous. "
Tourné immédiatement après la sortie en salles de Gadjo Dilo, Tony Gatlif a choisi de reprendre Romain Duris et Rona Hartner pour plaider la cause des sans-papiers et des immigrés. Il poursuit ainsi son exploration de la France en crise et de ses mentalités vieillottes.
Après les gitans en Roumanie (Gadjo Dilo), c'est au tour de l'immigration en France. Otto est sans emploi, amoureux de Louna, coiffeuse. Puis, le cinéaste nous dresse un panorama de la famille d'Otto et de ses relations: son oncle est critique de cinéma (jugeant en un mot avec un tampon encreur les films qu'il a vu), un de ses amis s'occupe d'une association humanitaire pour donner un sens à sa vie (mais Otto estime qu'avec l'humanitaire "t'es pas tout"). Puis, peu à peu, on entre dans le vif du sujet: la difficile intégration des musulmans en France (l'un d'eux se nomme Michel car "tout le monde s'appelle Michel"). La rencontre avec une cigogne marquera nettement la prise de position du réalisateur: "la cigogne, c'est un arabe", dit Otto en la voyant. C'est un personnage double, il est à la fois lui-même (une cigogne) et le porte-parole de Gatlif dans cette fiction surréaliste (la cigogne parle) et très "citoyenne". Non content d'avoir fait d'Otto et de Louna des militants contre le racisme, Gatlif dote aussi le personnage de la cigogne d'un talent de conteur.
Face à ce film, il y a deux attitudes possibles. L'une, plutôt malveillante, consiste à ne voir dans ce long métrage, dont l'histoire s'appuie sur les événements passés à l'Eglise Saint-Bernard à Paris, puis sur le message de la gauche de jadis. Il y a aussi ce discours écologique un peu niais, "si tout le monde le fait comme toi, le monde sera une poubelle", que l'on peut inscrire au rang des lubies provoquées par l'imminence de la fin du millénaire.
L'autre, plutôt bienveillante, fermerait les yeux sur cet aspect du film en faisant valoir que ce n'est pas cette utopie que filme Gatlif, mais tout autre chose: d'une part le problème de l'intégration et le regard qu'ont les gens à l'égard des immigrés (le cinéaste s'en amuse: Ali lit beaucoup de quotidiens comme Le Monde et aime le cinéma à caractère intellectuel) au profit d'un progressif glissement (aidé par la voix off) vers une irrationnalité entièrement consentie; d'autre part et en même temps, une espèce de road-movie qui mobilise le dernier tiers du film. Ainsi, le cinéaste travaille sur le mode de la narration libre de tout souci de rentabilité. Il laisse apparaître les visages des personnages au grand jour, celui de l'Allemagne, pays peu filmé en fait.
La fable peut donc, doit même s'oublier, même s'il est vrai que la fiction (l'artifice du lien) est toujours ce qu'il y a de moins intéressant dans ce style de films qui visent un cinéma surréaliste et résistant (dans l'esprit politique). chris
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