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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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White Bird (White Bird in a Blizzard)
USA / 2014
15.10.2014
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MYSTERIOUS SINS
"Ma virginité a disparu aussi vite que ma mère"
Née d'un père effacé et d'une mère jalouse et légèrement dérangée, Kat n'est pas très différente des adolescents des films de Gregg Araki: elle passe du temps avec ses amis lorsqu'elle n'explore pas sa sexualité qui vient tout juste d'éclore. La peau mystérieuse... C'est sans doute pour cela que la disparition de sa mère ne l'affecte pas autant que cela devrait. Du moins c'est ce qu'elle croyait jusqu'au jour où des rêves étranges concernant sa génitrice se manifestent.
Araki a ce merveilleux don pour montrer le meilleur, le pire et l'étrangeté des humains mais aussi sa civilisation dysfonctionnelle. Prônant la singularité, il met en scène des personnages éclectiques qui font de ces films un hymne à l'amour et à la rareté: l'homosexuel, la fille en sur-poids, le mec trop sexy... ce joli petit monde se mélange pour devenir un drame explosif ou une comédie décalée. Il filme une Amérique haute en couleur, ici nourrie des 80's-90's, offrant à White Bird une bande originale et des costumes époustouflants. Ce côté pop hallucinatoire ne doit pas occulter ce drôle de rêve désenchanté et mélancolique.
Avec Shailene Woodley, il trouve une actrice capable d'incarner une lolita sexy, déprimée et assoiffé de sexe. Une lycéenne banale qui aurait pu vivre dans les 70's qui contraste avec sa mère, la démoniaque Eva Green (décidément abonnées aux rôles du genre), monstre matriarcale angoissante, frustrée et pas loin de l'hôpital psy. Sa bizarrerie fascine. Il y a un côté vampire dans son personnage. Pourtant c'est bien l'une de ses desperate housewives des 50's qu'elle reproduit. Pas étonnant qu'il y ait un aspect surnaturel très présent dans le film, entre songe comateux et cauchemar de camé. Ce qui intéresse Araki, c'est le subconscient, pas le moi. C'est explorer tout ce que nous refoulons, tout ce qui fait de nous des destructeurs. Car White Bird est un film catastrophe, qui veut dévaster toute forme de liberté, y compris sexuelle.
Le scénario lui se repose sur une architecture toute "arakienne". Il faut juste avoir une bonne mémoire, bien écouter la musique, se délecter des répliques cinglantes. Drôle, sarcastique et érotique, Araki signe un conte macabre, satirique et sensuel qui vous en enveloppe dans son brûlant manteau de neige jusqu'à son fatidique dénouement final. Pourtant ce n'est pas tant la fin qui nous intrigue (le dénouement surprendra), mais bien le virage que prend le cinéaste. Plus sombre que noir, plus surréaliste qu'expressionniste, le cinéaste continue cependant à aborder visuellement et musicalement l'adolescence : cette période d'apprentissage, où tout s'éveille, de la pensée au corps. Il ajoute juste une ambiance de thriller, une atmosphère new wave. Il manque sans doute un peu d'inventivité dans cette farce effroyable sur une Amérique emprisonnée dans son ennui et son puritanisme.
Sans être aussi flamboyant que Kaboom ou envoûtant que Mysterious Skin, ce White Bird déploie malgré tout son charme, passant de la dépression à la jouissance, des artifices à la nécessité de dynamiter tous ces faux-semblants. cynthia
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