Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Fury


USA / 2014

22.10.2014
 



GLORIOUS BASTERDS





« Les idéaux sont pacifistes. L’Histoire est violente. »

Fury est un film de genre qui enragerait n’importe quel belliciste. Entre désolation (les paysages), déshérence (les citoyens) et désespoir (les soldats), ces dernières semaines d’une guerre lasse ne ménage personne : ni le printemps qui a des airs d’hiver avec ses restes de neige, sa boue, son brouillard. Le glamour n’a pas sa place. Au mieux, quelques éclats de poésie surgiront de temps en temps, un cheval blanc, une jolie femme, un air de piano...

David Ayer nous immerge dans une sale guerre. La fatigue est palpable. Les corps sont mutilés ou mélangés dans les charniers. Le matériel est éprouvé. Rien n’est vraiment calme sur le front.

Cinématographiquement, nous ne sommes pas loin de Platoon d’Oliver Stone ou du Soldat Ryan de Steven Spielberg. Ou, au contraire, à l’opposé du récent Monuments Men de George Clooney. Une petite unité dans un environnement hostile et imprévisible, espérant d’un jour à l’autre le cessez-le-feu. C’est âpre, violent, cruel, sans concession. La guerre rend les soldats cinglés. N’importe quel candide se mue en machine à tuer. Mais le cinéaste ne choisit pas la voie de la facilité. Ce n’est pas un jeu vidéo à la Tarantino, où le canardage devient graphique et parodique. On est plus proche d'un film comme Lebanon de Samuel Maoz, où le spectateur est enfermé dans un tank, avec un unique point de vue.

Il n’y a finalement que trois séquences de combat – une ville à prendre, un duel avec un tank allemand, un carrefour isolé avec un régiment de SS en approche. Entre ces trois moments, comme autant d’actes dramatiques (sans excès de dramatisation), l’histoire (et les personnages) respirent. Premier acte : une armée américaine bien bousillée, en manque de force et de renforts. Deuxième acte : les rapports avec les Allemands et l’aspiration à la paix. Troisième et dernier acte : le tarif hors-de-prix à payer pour être un héros ou un cadavre.

En fil conducteur, le récit tisse une histoire père/fils entre un vétéran brûlé par une année sans répit à vouloir survivre avec son tank et ses hommes (Brad Pitt, impeccable en mentor un peu cynique) et un bleu dactylo et un peu intello qui va percer sa carapace de jouvenceau (Logan Lerman, plus qu’à la hauteur). Cette psychologie, a priori peu subtile, trouve pourtant son paroxysme dans une longue séquence se déroulant dans un appartement habité par deux jeunes allemandes. Tout ce qu’ils sont vraiment ressort dans ces instants d’accalmie. Tout ce à quoi ils aspirent se révèle, en creux. Et toute l’horreur de la guerre, la manière dont elle a forgé leur nouvelle personnalité, va s’imposer sans crier gare.

Il n’y a aucune place pour le rêve, l’espoir ou même le bonheur. Et l’esthétique de fin du monde, assez fascinante, qui rappelle les photos de Micha Bar-Am sur la guerre du Kippour, ne fait que renforcer cette impression d’isolement. Des sauvages parmi les salauds. Des esprits déréglés, déracinés. Pas besoin de symboles ou d’allégories. Un obus ou une balle suffisent à saccager n’importe quel idéal. On peut regretter que la musique gâche certaines scènes. Mais le tir au pigeon final, en pleine nuit, entre les flammes et les fumigènes, offre un final suffisamment tragique pour que le (jeu de) massacre nous happe durablement. Le tank, machine de guerre par excellence, peut alors être un tombeau vu du ciel.

Pas de gras : Fury avance comme un tank vers sa destination. On repassera pour l’héroïsme, les médailles et la victoire en chantant. Ici, tout est glacial, tout est mort. Et on s’interrogera souvent sur le sens de toute cette boucherie.
 
vincy

 
 
 
 

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