Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les opportunistes (Il capitale humano)


Italie / 2013

19.11.2014
 



TROIS FEMMES PUISSANTES





«- Vous avez misé sur la faillite de ce pays et vous avez gagné.»

Tout commence avec un accident de la route, aussi banal que brutal, tragique et pas sans conséquences. Un délit de fuite et nous voilà transportés dans un thriller à l’américaine, une comédie italienne et un de ces drames familiaux français.

Pour créer le suspens, le réalisateur Paolo Virzi a découpé son film en trois chapitres. Chacun s’étend entre l’été et les fêtes. Chacun débute avec la même séquence – filmée sous un point de vue différent. Chacun se focalise sur un personnage et son histoire.

De là, on baigne à chaque fois dans une tragi-comédie à l’italienne. Le regard sur la société est cruel. Famille et affaires ne font pas bon ménage. Un sale « Family Business ». Les opportunistes est une comédie (dramatique) humaine. Un film balzacien dans le fond. Le roman dont il est l’adaptation porte un drôle de titre, Le capital humain, un oxymore en soi (dont l’explication glaciale n’arrivera qu’à la fin du film). Et il y est bien question de capital – investissement, risque, spéculation, transactions – et d’humain – amitié, trahison, désillusion, sentiments. Le cocktail est explosif avec un loser naïf, pour ne pas dire un bouffon, ambitieux qui vise trop haut, une épouse malheureuse et méprisée qui s’ennuie et une adolescente idéaliste et honnête prête à tout pour protéger sa liberté. Ils ont leur graal – l’argent, un théâtre, l’amour – mais dans leur dos, on manigance et on ment. A leur tour, ils vont manigancer et mentir. Cynique.

Dans ce monde de compétition, qui transforme tout défi en angoisse de perdre, le moindre grain de sable peut anéantir un individu : la ruine, l’humiliation, le désamour… Tout s’effondre quand on atteint ses limites. La vérité - comprendre qu’on est minable, manipulé ou incompris – sert de catharsis.

A chaque intersection, quand un chapitre nouveau se révèle, le récit évolue pour nous amener à la résolution de l’enquête : qui a été le chauffard ayant fait basculer le cycliste dans le ravin ? Un macguffin qui ne sert qu’à décrypter les relations entre puissants et soumis, élite huppée et classe moyenne, hommes et femmes, parents et enfants. Et la meilleure face de ces Opportunistes est incontestablement son côté féminin.

Valéria Bruni-Tedeschi (magnifique, son plus beau rôle depuis des lustres), Valéria Golino (impeccable en voix de la raison) et Matilde Gioli (une révélation aux faux airs d’Angelina Jolie) composent trois portraits de femmes sublimes, subtils et sensibles, à fleur de peau, mais déterminées et fortes. Des femmes, très belles, entre courage et abnégation. Reconnaissons qu’elles sont mises à rude épreuve, en subissant la loi du sexe dit « fort ». Face à elles, les hommes sont au choix lâches, fourbes, faibles, auto-destructeurs (l’ange noir). Quand ils ne sont pas racistes ou arnaqueurs. Ce qui ne les empêche pas d’être intègres ou empathiques. Rien n’est vraiment simple dans l’humain.

Les opportunistes est au final une œuvre sur la disgrâce. La chute est amortie mais elle aura fait mal. Au fur et à mesure que le spectateur apprend la véritable version des faits, par tâtonnement (George Sand disait bien que « le vrai est trop simple, il faut y arriver toujours par le compliqué »), le nœud se resserre et les victimes se compromettent. Car il faut bien que la vérité éclate, pour que la justice se fasse. Chantage immoral au nom d’une morale. Il n’y a pas de place pour la faiblesse mais il y en a une pour la survie. Ainsi va la jungle. Et tout le monde y trouve son compte, avec complaisance.

Tous sont détraqués, à la dérive, dans cet univers où les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Il faudra bien en sauver un ou deux pour que nous ne sombrions pas dans la dépression. Heureusement, le film est suffisamment vivace et parfois assez jubilatoire pour que ces opportunistes nous fassent rire (jaune).
 
vincy

 
 
 
 

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